Tome 2 numéro 1, article
Volume 2 Issue 1 , Article
Nicole Blanchett, Colette Brin, Cheryl Vallender, Heather Rollwagen, Karen Owen, Lisa Taylor, Claudia Mellado, Sama Nemat Allah et Kelti McGloin
Résumé
Bonhommes de neige « épiques » , sources expertes et rôles axés sur le public : Comment les rôles journalistiques se manifestent dans les médias canadiens
En explorant les différences entre visions normatives et pratiques réelles (Mellado, 2020), grâce à une analyse de contenu de plus de 3700 articles d’actualité, contextualisée par une enquête auprès de journalistes canadiens et approfondie par des entretiens, cet article fournit un aperçu complet de la performance du rôle journalistiques au Canada. Les résultats montrent des différences assez subtiles entre médias francophones et anglophones, une forte présence des journalistes canadiens dans leurs reportages, un niveau élevé du rôle d’infodivertissement. La production journalistique canadienne se démarque de celle des autres pays étudiés par l’importance des rôles civiques et de service; la place du rôle de chien de garde est toutefois moins grande dans les contenus que dans ce que rapportent les journalistes interrogés quant à leur conception personnelle du métier et leur perception de sa mise en oeuvre au sein de leur organisation.
Mots-clés: journalisme ; journalistes ; salle de rédaction ; performance des rôles journalistiques ; analyse de contenu ; enquête
Bonhommes de neige « épiques », sources expertes et rôles axés sur le public : Comment les rôles journalistiques se manifestent dans les médias canadiens
Nicole Blanchett, Colette Brin, Cheryl Vallender, Heather Rollwagen, Karen Owen, Lisa Taylor, Claudia Mellado, Sama Nemat Allah et Kelti McGloin
Introduction
Comment le journalisme canadien se compare-t-il au journalisme d’autres pays, et quels rôles professionnels les journalistes canadiens considèrent-ils comme les plus importants ? Cet article explore la performance1Ce terme est employé ici au sens de l’accomplissement des rôles professionnels et non de l’optimisation des résultats. des rôles journalistiques au Canada, c’est-à-dire comment ces rôles sont conçus, mis en œuvre, exécutés et manifestés dans la prise de décision éditoriale et la création de contenu, en s’attardant aux différences entre les visions normatives et les pratiques réelles (Mellado, 2020). Il s’agit de la deuxième vague du projet Journalistic Role Performance (JRP). La méthodologie a été validée lors de la première vague de cette étude internationale, menée entre 2013 et 2018 (le Canada ne faisait pas partie de cette vague), combinant une analyse de contenu qui mesure la performance des rôles journalistiques et une enquête auprès de journalistes sur leur conception des rôles professionnels et leur perception de la mise en œuvre de ces rôles au sein de leur organisation. La première vague de l’étude n’a porté que sur la presse écrite nationale, tandis que la deuxième vague a été élargie pour étudier la façon dont les différents rôles professionnels se manifestent dans les contenus des nouvelles sur toutes les plateformes, en ajoutant à l’analyse la radio, la télévision et les médias numériques. L’étude canadienne comprend 12 sites d’étude liés à des médias anglophones et francophones. Nous avons également réalisé un séjour d’observation participante sur un site et effectué des entretiens avec des journalistes représentant l’ensemble des médias étudiés, pour mieux contextualiser les résultats.
Aux fins de l’analyse, six rôles journalistiques ont été définis. Le premier est le rôle interventionniste, où un journaliste est présent dans le récit, par exemple en s’exprimant au « je » ou en formulant une explication causale dans un sujet d’actualité sans l’appuyer sur une source. Les deuxième et troisième rôles sont centrés sur les relations de pouvoir – dans le rôle de chien de garde, un journaliste pourrait critiquer le gouvernement, tandis que le facilitateur loyal soutiendrait les actes et positions du gouvernement. Les trois derniers rôles examinent les relations que les journalistes entretiennent avec leur public : dans le rôle de service, les journalistes offrent des conseils aux consommateurs et des recommandations, par exemple en matière de santé ; dans le rôle d’infodivertissement, les reporters créent des contenus destiné à divertir ; enfin, dans le rôle civique, les journalistes se concentrent sur le point de vue et les droits des citoyens (Mellado, 2020).
Cet article fournit une vue d’ensemble du journalisme canadien grâce à un corpus de plus de 3700 articles recueillis pendant deux semaines reconstruites en 2020, recouvrant les premiers mois de la pandémie de COVID-19, avec des résultats qui offrent un aperçu des particularités du journalisme canadien, y compris une plus grande performance du rôle d’infodivertissement que du rôle de chien de garde, malgré l’importance de ce dernier sur le plan des valeurs personnelles (conception du rôle); l’un des plus hauts niveaux du rôle interventionniste dans l’ensemble des pays étudiés, caractérisé par la présence de la voix du journaliste; et une forte performance des rôles civique et de service. Nous aborderons également l’utilisation beaucoup plus importante de sources expertes par rapport à d’autres pays et des différences moins nombreuses, mais néanmoins distinctes, que l’on pourrait s’y attendre entre les médias de langue française et anglaise, et entre les diverses plateformes de diffusion étudiées.
État des connaissances
Des forces complexes qui s’entrecroisent continuent de façonner le climat et les conditions de travail dans les salles de rédaction canadiennes, et même les développements qui semblent à première vue offrir une plus grande stabilité peuvent en fait contribuer à la baisse récente de confiance du public canadien envers le journalisme. Les médias d’information ont bénéficié d’un soutien accru du gouvernement fédéral sous la forme de crédits d’impôt et d’autres financements spécifiquement destinés à soutenir le journalisme canadien (News Media Canada, s.d.) ; beaucoup d’entre eux ont également reçu une aide sous la forme de subventions COVID – allègement offert à un large éventail d’employeurs canadiens (Lindgren, Wechsler, & Wong, 2022 ; Brin & Charlton, 2022). Le gouvernement fédéral s’est aussi récemment engagé à verser 400 millions de dollars supplémentaires au radiodiffuseur public national pour l’aider à réduire sa dépendance à l’égard des recettes publicitaires (Brin & Charlton, 2022). Cependant, le soutien du gouvernement aux entreprises de presse peut avoir un coût en termes de réputation pour l’industrie (Coyne, 2021). De plus, la confiance des Canadiens dans les médias a chuté de façon précipitée sur une période de quatre ans, passant de 58 % à 42 %, une baisse attribuée au moins en partie au scepticisme quant à la capacité des médias d’information soutenus par le gouvernement à servir efficacement de contrôleur indépendant du pouvoir (Brin et Charlton, 2022).
Il n’y a pas de consensus concernant la gravité du déclin de l’industrie au Canada (Lindgren et Wong, 2022) et de son impact sur les travailleurs de l’information. Des coupes importantes ont été effectuées dans les salles de rédaction et le nombre de journalistes qui y travaillent a diminué, en particulier dans les médias locaux (Forum des politiques publiques, 2022). Mais d’autres travaux remettent en question le nombre réel d’emplois perdus en journalisme au Canada (Winseck, 2021). Les grands médias ont aussi amorcé un réinvestissement dans leurs salles de rédaction (Brin & Charlton, 2022). Selon une étude, la perte d’emplois traditionnels dans les salles de rédaction a été largement compensée par des rôles qui ne seraient pas traditionnellement considérés comme journalistiques mais qui sont néanmoins occupés par des personnes qui s’identifient comme des journalistes (Wilkinson & Winseck, 2019). Il semble y avoir consensus sur le fait que dans le cadre de leur pratique professionnelle, les journalistes sont confrontés à des facteurs de stress importants, notamment une augmentation du harcèlement et des menaces (Eschner, 2022 ; Campion-Smith, 2022 ; Fenlon, 2022) ainsi que la précarité de l’emploi (Wilkinson & Winseck, 2019) qui, selon une étude portant sur 100 journalistes canadiens, oblige de nombreux praticiens à compter sur les membres de leur famille pour la garde des enfants, les tâches domestiques et le soutien financier (Reid & Ghaedipour, 2021).
Le journalisme évolue autant sur le plan technologique que sur celui des formes narratives et ce, pour l’ensemble des travailleurs de l’information. Les idéaux journalistiques fondamentaux tels que l’objectivité (Stead, 2022 ; Shapiro, 2021 ; Ingram, 2020) n’ont plus valeur de doxa (Willig et al., 2015). Le mur autrefois considéré comme infranchissable (ou prétendu tel) entre la direction de l’entreprise et la salle de rédaction s’est effondré avec la plateformisation de la production médiatique (Nieborg, 2021) ainsi qu’avec l’utilisation des données d’audience en ligne, désormais intégrée dans les pratiques de la salle de rédaction et dans la prise de décision éditoriale (Blanchett Neheli, 2018 ; Blanchett, 2021a ; Tandoc, 2019 ; Petre, 2021). Ces données d’audience n’ont pas seulement un impact sur les informations en ligne, mais peuvent déterminer l’attribution de ressources pour couvrir des sujets dans les journaux ou à la télévision, dans les salles de rédaction qui fournissent des informations à de multiples plateformes (Blanchett 2019 ; Blanchett 2021b). Cependant, malgré le regroupement des plateformes de diffusion au sein d’une même salle de rédaction, la création de contenus est toujours façonnée par la logique médiatique (Altheide & Snow 1979 ; 1991), par exemple l’utilisation de formats standardisés basés sur le fait qu’un sujet « satisfait les conditions du média » (Altheide, 2019, p. 212), souvent liées à des intérêts économiques. Au sein d’une même salle de rédaction, un journaliste peut décliner un même sujet de reportage sous différentes formes (Duffy et al,. 2018 ; Hanusch, 2017) en accordant une attention particulière à l’optimisation de l’engagement, c’est-à-dire les clics, les « likes », les commentaires et les partages, dans les médias sociaux (Tandoc & Vos, 2016 ; Walters, 2021). Dans certains cas, la plateforme de diffusion peut encore avoir plus d’influence sur les rôles journalistiques que le type de média produisant les contenus (Hallin & Mellado, 2018).
La première vague de l’étude JRP a analysé la performance des rôles journalistiques entre 2013 et 2018 dans 64 journaux de 18 pays et réalisé des enquêtes auprès de 800 journalistes. Les résultats ont révélé que les rôles professionnels sont fluides et dynamiques (Mellado, 2020). Les résultats montrent également un écart important entre la façon dont les journalistes perçoivent leur rôle et ce qui se manifeste dans leur production journalistique (Mellado & Mothes, 2020). La première vague de JRP a remis en question l’idée que les journalistes utilisent un ensemble clair de pratiques et de principes : « Il y a des mélanges et des nuances en termes d’exécution des différents rôles des journalistes dans les informations » (Mellado et al., 2017, p. 17). Au sein d’une même entreprise de presse, les rôles professionnels ne se manifestent pas de la même manière dans les contenus et les propos recueillis auprès des journalistes (Mellado, 2020). D’autres recherches montrent que les idéaux occidentaux ne peuvent plus être considérés comme universels au vu des différentes normes et pratiques journalistiques dans le monde (Waisbord, 2013). En outre, la première vague de JRP a révélé que les similitudes et les différences dans la performance du rôle journalistique ne sont souvent pas liées des éléments de contexte national, tel que le paysage politique d’un pays, la situation géographique ou un système médiatique spécifique (Mellado et al., 2017).
Sur le plan linguistique, les recherches comparatives internationales sur les systèmes médiatiques et les rôles journalistiques fournissent peu de preuves de l’existence de cultures professionnelles distinctes (Hanitzsch et al., 2019 ; Mellado et al., 2017 ; Mellado, 2020). Bonin et al. (2017) ont constaté des différences modestes entre les journalistes francophones du Canada, de la Belgique et de la Suisse et leurs homologues du groupe majoritaire, quant à la perception de leurs rôles professionnels :
Plus précisément, les journalistes francophones semblent être plus susceptibles (…) de se percevoir comme faisant partie d’un « quatrième pouvoir » dont le rôle est politisé et comprend la définition de l’agenda, la motivation des citoyens et le pouvoir de contrôle. À l’inverse, les francophones sont moins motivés par une mission d’attraction et de satisfaction du public (en fournissant du divertissement, des conseils sur la vie quotidienne, etc.). (pp. 543, 5462 Toutes les citations ont été traduites de l’anglais par les autrices.)
Hallin et Mancini (2004) ont émis l’hypothèse qu’au Canada, le Québec francophone forme un système médiatique infranational distinct, peut-être plus politisé, avec une plus grande autonomie journalistique. Des différences structurelles entre les médias francophones et anglophones suggèrent également l’idée d’une culture journalistique québécoise, comme la concentration géographique du marché des médias, la plus forte présence du diffuseur public national, le rôle plus important du gouvernement provincial dans la politique et le financement des médias, et la vitalité relative d’organisations professionnelles comme le Conseil de presse du Québec et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (voir par exemple Le Cam, 2009). Les Canadiens francophones font également davantage confiance aux médias d’information que les anglophones (Brin & Charlton, 2022).
Bien qu’une enquête précédente sur les journalistes canadiens ait révélé que les deux groupes linguistiques partageaient des cultures professionnelles similaires, Pritchard, Brewer et Sauvageau (2005) ont constaté que l’attachement à des valeurs telles que « rapporter fidèlement les points de vue des personnalités publiques, fournir des analyses de problèmes complexes et donner aux gens ordinaires la possibilité d’exprimer leurs opinions » avait diminué chez les journalistes anglophones, ce qui suggère la « possibilité d’une fracture culturelle émergente » (p. 289). Plus récemment, une enquête menée auprès d’experts pour tester la caractérisation du système médiatique canadien par Hallin et Mancini suggère que la variation est plus importante entre les entreprises de presse qu’entre les groupes linguistiques et les provinces (Thibault et al., 2020). La façon dont la performance du rôle journalistique peut différer entre les médias anglophones et francophones et entre les plateformes sera explorée tout au long de cet article.
Méthodologie
Le projet JRP utilise une approche à méthodes mixtes, qui comprend une analyse de contenu de textes d’actualité et une enquête auprès des journalistes. L’analyse de contenu mesure la performance des rôles journalistiques, tandis que l’enquête sert à établir, d’une part, la conception qu’ont les journalistes individuels de leurs rôles et d’autre part, la mise en œuvre perçue des rôles journalistiques au niveau organisationnel. L’écart entre ce que les journalistes ont fait (la performance des rôles) et leur conception des rôles importants et ce qu’ils pensent que leurs organisations de presse font (conception des rôles et mise en œuvre des rôles) a été mesuré en comparant l’analyse de contenu aux réponses de l’enquête. Les données pour l’analyse de contenu ont été recueillies de janvier à décembre 2020 ; l’enquête auprès de journalistes canadiens a été réalisée de septembre 2020 à juillet 2021. Toutes les équipes internationales ont eu accès aux données partagées, nettoyées et fusionnées de 365 médias d’information dans 37 pays afin d’effectuer des comparaisons internationales. L’étude canadienne comprenait également une composante qualitative d’observation directe et d’entretiens semi-dirigés, afin de mieux contextualiser les données de l’analyse de contenu et de l’enquête.
Cet article présente des résultats généraux en lien avec les questions de recherche suivantes :
QR1: Comment la performance du rôle journalistique du Canada se compare-t-elle à celle des autres pays?
QR2: La performance du rôle journalistique est-elle différente dans les reportages sur la pandémie?
QR3: Y a-t-il des différences dans la performance des rôles entre les médias anglophones et francophones au Canada?
QR4: Y a-t-il des différences dans la performance des rôles au Canada en fonction du type de média?
QR5: Quels rôles les journalistes canadiens considèrent-ils comme les plus importants?
Échantillonnage
Comme pour l’ensemble des pays participant au projet JRP, les médias retenus devaient représenter collectivement un vaste auditoire, une diversité d’entreprises et de plateformes ainsi qu’une influence largement reconnue sur les débats publics à l’échelle nationale. Notre équipe a donc sélectionné les médias les plus populaires (les plus lus, les plus regardés ou les plus écoutés) sur la base d’évaluations ou de paramètres similaires, et la préférence a été donnée aux médias d’envergure nationale, bien que certains médias régionaux et locaux aient été inclus en raison de leur importance dans le paysage médiatique. Les 12 sites d’étude au Canada sont les suivants:
Télévision
CTV National News
CBC: The National
Global National
TVA Nouvelles (Édition Réseau 22h)
Presse écrite quotidienne
Toronto Star
National Post
Globe and Mail
Radio
CBC Radio: World at Six
ICI Radio-Canada Première: L’heure du monde
Médias numériques
La Presse
CBC.ca
HuffPost Canada3HuffPost Canada et HuffPost Québec ont mis fin à leurs activités le 9 mars 2021.
Analyse de contenu
Un échantillon stratifié systématique de deux semaines a été sélectionné pour les contenus médiatiques dans chaque pays entre le 2 janvier et le 31 décembre 2020. Les variations quotidiennes et mensuelles étant des facteurs importants à prendre en compte lors de l’analyse de contenu des informations, nous avons sélectionné sept jours pour chaque période de six mois (janvier-juin et juillet-décembre), en choisissant au hasard les dates de début d’un lundi en janvier et d’un lundi en juillet. Ensuite, en utilisant des intervalles de trois à quatre semaines, nous avons sélectionné chacun des six autres jours de la semaine : un mardi, un mercredi, un jeudi, un vendredi, un samedi et un dimanche. Cette procédure nous a permis de créer deux semaines reconstruites et d’obtenir un échantillon total de 14 jours pendant l’année.
Par ailleurs, alors que les journaux et les émissions d’information télévisées et radiophoniques que nous avons sélectionnés sont statiques dans le sens d’une diffusion unique à heure fixe, les sites web d’information sont dynamiques, avec plusieurs modifications aux textes et à la configuration de la page d’accueil durant une même journée. Par conséquent, nous avons capturé les pages d’accueil des sites web à deux moments fixes pour chacune des dates sélectionnées, à 11h00 et à 23h00.
Seuls les contenus journalistiques créés par l’organisation elle-même, en tout ou en partie, ont été inclus dans l’analyse. Par exemple, les articles identifiés comme provenant d’un autre média ou d’une agence de presse (Presse canadienne, AFP ou autre) n’ont pas été codés ;4Certains contenus peuvent ne pas avoir été étiquetés comme provenant de la Presse canadienne. cependant, les articles « d’après AFP » (ou autre agence) mais portant la signature d’un journaliste du site d’étude ont été codés. Les contenus créés par des journalistes indépendants ou collaborateurs spéciaux ont également été codés. Dans le cas des médias numériques, les clips vidéo ou audio intégrés pertinents au sujet d’actualité ont été codés.
Tous les types de nouvelles ont été inclus dans l’échantillon, de la politique au sport, en passant par le style de vie et les affaires ; cependant, aucun article d’opinion ou éditorial n’a été inclus dans l’échantillon. L’échantillon international comprend un total de 148 474 articles de presse provenant de 365 entreprises de presse. L’échantillon canadien comprend 3 727 articles de presse : 1676 en ligne ; 976 dans les journaux ; 834 à la télévision ; 241 à la radio. L’échantillon complet de reportages dans l’analyse de contenu a été pondéré afin d’assurer une représentation équitable par plateforme.
Mesure et codage
Nous nous sommes appuyées sur l’opérationnalisa-tion proposée par Mellado (2015) et validée dans des études précédentes (Mellado et al., 2017 ; Mellado et van Dalen, 2014 ; Mellado, 2020) pour mesurer la performance des rôles professionnels dans les contenus d’actualité. Le tableau 1 présente les rôles et les indicateurs associés.
Tableau 1. Indicateurs de performance des rôles
Rôle | Indicateurs |
Interventionniste
|
Point de vue du journaliste Interprétation Appel à l’action Adjectifs qualificatifs Première personne du singulier |
Chien de garde |
Informations sur des procédures judiciaires ou administratives Questionnement par le journaliste Questionnement par d’autres personnes Critique par le journaliste Critique par d’autres personnes Divulgation par le journaliste Divulgation par d’autres personnes Reportage sur une enquête externe Journalisme d’enquête |
Facilitateur loyal |
Défense ou soutien des activités gouvernementales Défense ou soutien des politiques gouvernementales Image positive de l’élite Progrès ou réussite Comparaison avec d’autres pays Triomphes nationaux Promotion du pays Patriotisme |
Service |
Impact sur la vie quotidienne Astuces et conseils (doléances) Astuces et conseils (risques individuels) Information sur la consommation Conseils aux consommateurs |
Infodivertissement |
Personnalisation Vie privée Sensationnalisme Émotions Morbidité |
Civique |
Réactions des citoyens Attentes des citoyens Crédibilité des citoyens Sensibilisation aux devoirs et aux droits Impact local Impact social sur la communauté Questions des citoyens Informations sur les activités des citoyens Soutien aux mouvements citoyens |
Enquête auprès des journalistes
ÉCHANTILLONNAGE
Pour saisir les conceptions de rôles journalistiques et la mise en œuvre perçue des rôles, nous avons interrogé les journalistes qui travaillaient pour les médias inclus dans notre étude au moment de la collecte des données (2020), y compris les pigistes. Nous avons utilisé des échantillons de journalistes par quotas pour faire correspondre leurs réponses aux scores moyens de l’analyse de contenu de leurs entreprises de presse, en fonction de la taille de chaque salle de rédaction. L’équipe canadienne a utilisé des sites web et des flux de médias sociaux pour récolter les coordonnées des journalistes, y compris ceux dont le travail faisait partie du corpus d’analyse de contenu. L’enquête a été réalisée en anglais et en français, en grande partie sous forme de questionnaires en ligne, certaines ayant été complétées par téléphone. Les journalistes ont été informés de l’objectif de l’étude et tous les participants ont expressément consenti à participer et ont reçu des informations sur l’utilisation, le partage et la publication des résultats.
Une analyse de puissance a été réalisée pour déterminer le nombre minimum de réponses à l’enquête requis par média en fonction de sa taille, sur la base de l’échantillon international de 365 entreprises de presse. Sur la base de cette analyse, nous avons inclus tous les médias qui contenaient au moins quatre questionnaires complétés dans les analyses pour les petites rédactions (moins de 50 journalistes), huit pour les rédactions de taille moyenne (50 à 200 journalistes), et au moins 12 pour les grandes rédactions (plus de 200 journalistes). En fin de compte, l’échantillon international valide était composé de 2 615 réponses à l’enquête provenant de 252 entreprises de presse. Au Canada, nous avons pu obtenir 113 questionnaires complétés pour les 12 sites d’étude inclus dans l’ensemble des données internationales.5Les sondages remplis par les journalistes du National Post, de la radio et de la télévision de la CBC n’ont pas été inclus dans l’ensemble des données internationales car ces médias n’avaient pas une taille d’échantillon suffisante pour répondre aux exigences de l’étude JRP. Ces enquêtes exclues pourront être utilisées dans de futures analyses uniquement nationales.
MESURES
L’équipe du projet Journalism Role Performance a conçu en collaboration 40 énoncés pour mesurer les rôles professionnels sur le plan de l’évaluation, en traduisant les indicateurs inclus dans notre analyse de contenu en pratiques de reportage que les journalistes devaient évaluer en termes d’importance. Ces déclarations sont présentées dans le tableau 2.
L’objectif n’était pas de produire des inférences statistiques à la population plus large des journalistes concernant la conception des rôles, mais bien d’examiner l’écart entre les idéaux et la pratique. Afin d’analyser l’ampleur et la direction des écarts entre les perceptions des journalistes et la performance des rôles, nous avons d’abord calculé le score moyen des journalistes en fonction de leurs réponses aux questions de l’enquête représentant chaque rôle. Nous avons ensuite calculé le score moyen de la performance du rôle pour chaque média en ce qui concerne chaque rôle, en considérant tous les reportages de chaque média spécifique, puis nous avons comparé les résultats.
Étant donné que l’échelle utilisée pour mesurer la performance des rôles (0-1) était différente de celle utilisée pour mesurer la conception des rôles et la mise en œuvre perçue des rôles (1-5), nous avons recodé les scores moyens pour la conception des rôles (allant de 1 à 5) en échelles de 0 à 1. Enfin, nous avons calculé les différences absolues entre les deux en soustrayant le score moyen de la mise en œuvre des rôles de chaque média du score moyen de la conception des rôles des journalistes.
Il convient de noter que les valeurs absolues des scores d’écart ne devraient pas être interprétées en tant que telles. L’analyse se concentre sur les tailles et les directions relatives de ces écarts, ainsi que sur les facteurs qui augmentent ou diminuent les écarts entre les perceptions des journalistes et les performances moyennes de leurs entreprises de presse. De même, l’écart est défini comme la différence entre deux variables. Ainsi, les facteurs qui réduisent l’écart peuvent le faire en augmentant la performance de ce rôle ou en diminuant la priorité que lui accordent les journalistes (Mellado, 2020).
Tableau 2. Éléments d’enquête sur la conception des rôles et leur mise en œuvre perçue
Rôle |
Indicateurs de conception du rôle et de perception de la mise en œuvre du rôle (enquête)
|
Interventionniste
|
Donner votre opinion sur les questions que vous rapportez, pour exprimer votre approbation ou votre désapprobation. Fournir vos propres propositions ou idées concernant des politiques potentielles ou des solutions à des problèmes. Appeler le public à se comporter d’une certaine manière face à un événement ou une question. Utiliser des termes d’évaluation sur des événements ou des personnes dans vos reportages qui révèlent votre propre façon de voir les choses. Faire campagne pour une cause politique ou sociale. Alpha de Cronbach = ,76/ ,76 |
Chien de garde |
Remettre en question la véracité de ce que disent ou font les individus ou les groupes puissants de la société, tels que les politiciens et les partis politiques, les entreprises directeurs, les entreprises, l’église et l’élite culturelle. Mettre au jour le comportement illégal/irrégulier d’individus ou de groupes puissants de la société, tels que les politiciens et les partis politiques, les entreprises directeurs, les entreprises, l’Eglise et l’élite culturelle. Inclure des informations sur les procédures judiciaires ou administratives concernant des individus ou des groupes puissants de la société. Fournir des informations sur les abus de pouvoir ou les actes répréhensibles sur la base de vos propres enquêtes et recherches approfondies. Citer des sources qui remettent en question, critiquent ou révèlent des actes répréhensibles commis par des groupes ou des individus puissants dans la société. Alpha de Cronbach = ,83/ ,83 |
Facilitateur loyal |
Exprimer des sentiments positifs sur le fait d’être un citoyen dans votre pays. Présenter sous un jour positif les politiques publiques ou les activités officielles des élites dirigeantes. Souligner de manière positive le leadership, les compétences de gestion ou les caractéristiques personnelles des pouvoirs institutionnels, des leaders économiques et des élites puissantes. Chercher des occasions de faire connaître les réalisations sociales, sportives, politiques ou économiques de votre pays. Louer les réalisations d’individus, de groupes ou d’organisations dans votre localité ou votre pays. Défendre les valeurs nationales de votre pays. Alpha de Cronbach = ,83/ ,83 |
Service |
Indiquer comment un événement ou une action particulière peut influencer la vie quotidienne des gens ordinaires. Donner au public des conseils et des orientations pratiques sur la manière de résoudre les problèmes de la vie quotidienne. Fournir des informations aux consommateurs sur les tendances, les progrès et les nouveaux produits ou services. Appeler le public à aider d’autres personnes à résoudre des problèmes spécifiques et personnels auxquels elles peuvent être confrontées. Aider le public à reconnaître la bonne et la mauvaise qualité de certains produits ou services. Alpha de Cronbach = ,71/ ,71 |
Infodivertissement |
Mettre en scène des personnes dans les actualités, en fournissant des informations sur leurs caractéristiques intellectuelles, physiques ou sociales. Inclure des références explicites aux émotions des personnes. Inclure des informations sur la vie privée des personnes faisant l’objet de l’actualité. Inclure des détails pour renforcer l’impact des histoires de violence, de crime, d’extrême pauvreté, de sexe, etc. Utiliser l’humour, l’exagération, le sarcasme ou d’autres procédés de narration pour fournir des informations de manière divertissante. Alpha de Cronbach = ,71/ ,74 |
Civique |
Informer les gens sur leurs devoirs et leurs droits économiques, sociaux ou politiques. Inclure des informations générales et un contexte approfondi pour les citoyens, concernant des événements spécifiques dans l’actualité. Mentionner l’impact des décisions sur la périphérie de votre pays, au-delà de la capitale et des autres villes principales. Inclure différentes perspectives dans les actualités afin de mieux informer les citoyens. Décrire l’impact des décisions des autorités sur des communautés spécifiques définies socialement telles que les classes sociales, les sexualités, les races ou les ethnies. Informer le public sur les activités des citoyens. Soutenir explicitement les mouvements et les demandes des citoyens. Alpha de Cronbach = ,74/ ,76 |
*L’alpha de Cronbach a été calculé pour l’ensemble des données d’enquête des 37 pays.
Observations
Les résultats de l’étude JRP au Canada montrent les spécificités de la performance des rôles dans le journalisme canadien. Dans les pages qui suivent, nous allons explorer les indicateurs qui ont contribué à façonner le classement du Canada dans chacun des rôles journalistiques et montrer les plus grands écarts entre les rôles que les journalistes interrogés considèrent comme importants et les contenus qui ont été réellement produits.
Pour les scores globaux et les indicateurs individuels, les scores moyens sont indiqués. Pour les tableaux explorant les indicateurs individuels, nous fournissons également l’erreur type entre parenthèses. Tous les résultats et les calculs d’erreur type mentionnés dans cet article sont arrondis à deux décimales.
Figure 1
Rôle civique
« Le rôle civique se concentre sur le lien entre le journalisme, les citoyens et la vie publique… en les aidant à donner un sens à leurs propres communautés, et sur la façon dont ils peuvent être affectés par différentes décisions politiques » (Guide de codage JRP).
Parmi les 37 pays de l’étude JRP, le Canada a obtenu le deuxième score moyen pour le rôle civique (voir figure 1 et tableau 3). Ce rôle se présente différemment sur les différentes plateformes médiatiques et le score moyen pour certains indicateurs est particulièrement élevé dans les médias canadiens. Par exemple, pour l’indicateur « réactions des citoyens », qui correspond à une citation en style direct d’un citoyen ou une référence à l’opinion ou aux actions d’un citoyen, la moyenne canadienne de 0,18 est près du double de la moyenne internationale de 0,10 ; cependant, on observe des différences notables entre les performances du français et de l’anglais, la moyenne des contenus en anglais contenant des réactions de citoyens étant nettement supérieure à celle des contenus en français (voir tableau 5). La moyenne pour les références à l’impact politique sur une communauté sociale au Canada (par exemple, un groupe racisé ou une identité de genre) était plus du double par rapport à la moyenne internationale (voir tableau 3), et le double de la moyenne internationale pour l’impact sur la communauté locale (particulier à une zone géographique), tout comme les informations sur les activités des citoyens. Les médias de langue anglaise ont une moyenne beaucoup plus élevée pour l’impact sur la communauté locale, de 0,27 par rapport à la moyenne de 0,16 pour les médias de langue française.
En termes de différences entre les plateformes, les voix des citoyens étaient moins répandues dans la presse écrite (voir tableau 4), la télévision ayant plus du double de la moyenne et la radio prè
s du double. La moyenne est également plus élevée dans la radiodiffusion pour les contenus qui fournissent des informations sur les activités des citoyens, comme les manifestations (voir tableau 4). La télévision a obtenu la moyenne la plus élevée pour la majorité des indicateurs du rôle civique, y compris l’impact local, avec 0,32, suivie de près par les médias numériques, ces deux plateformes dépassant largement la presse écrite et la radio dans cette catégorie. Les médias numériques ont également une moyenne plus élevée pour les nouvelles qui éduquent les citoyens sur leurs devoirs et leurs droits par rapport à toutes les autres plateformes.
En ce qui concerne l’importance que les journalistes canadiens accordent au rôle civique, il existe toutefois un écart entre la conception qu’ont les journalistes de son importance, avec une moyenne de 0,70 (voir la figure 3 et le tableau 24 en annexe), et la perception de la fréquence à laquelle ce rôle est exercé au niveau organisationnel. Il s’agit du deuxième écart le plus important, après le rôle de chien de garde, lorsque l’on compare les résultats pour tous les rôles.
Tableau 3. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle civique : tous pays et Canada
Indicateur |
Moyenne mondiale | Moyenne canadienne |
Réactions des citoyens |
,10 (<,01) | ,18 (,01) |
Attentes des citoyens |
,05 (<,01) | ,08 (<,01) |
Crédibilité des citoyens |
,03 (,00) | ,07 (<,01) |
Impact local |
,12 (<,01) | ,24 (,01) |
Impact social sur la communauté |
,09 (<,01) | ,22 (,01) |
Sensibilisation aux devoirs et aux droits |
,04 (,00) | ,04 (<,01) |
Questions des citoyens |
,01 (,00) | ,03 (<,01) |
Informations sur les activités des citoyens |
,05 (<,01) | ,10 (,01) |
Soutien aux mouvements citoyens |
,01 (,00) | ,02(<,01) |
Tableau 4. Scores moyens et écarts types des indicateurs individuels du rôle civique selon la plateforme, Canada
Indicateur |
Journal | Télévision | Radio | Médias numériques |
Réactions des citoyens |
,11 (,01) | ,23 (,01) | ,21 (,01) | ,15 (,01) |
Demande des citoyens |
,07 (,01) | ,08 (,01) | ,07 (,01) | ,08 (,01) |
Crédibilité des citoyens |
,03 (,01) | ,07 (,01) | ,10 (,01) | ,07 (,01) |
Impact local |
,18 (,01) | ,32 (,02) | ,18 (,01) | ,27 (,02) |
Impact social sur la communauté |
,19 (,01) | ,23 (,01) | ,19 (,01) | ,26 (,01) |
Sensibilisation aux devoirs et aux droits |
,02 (,01) | ,03 (,01) | ,01 (<,01) | ,08 (,01) |
Questions des citoyens |
,03 (,01) | ,03 (,01) | ,02 (<,01) | ,03 (,01) |
Informations sur les activités des citoyens |
,06 (,01) | ,14 (,01) | ,12 (,01) | ,09 (,01) |
Soutien aux mouvements citoyens |
,01 (<,01) | ,04 (,01) | ,01 (<,01) | ,03 (,01) |
Tableau 5. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle civique, par langue de diffusion
Indicateur |
Canada FR | Canada EN |
Réactions des citoyens |
,13 (,01) | ,19 (,01) |
Demande des citoyens |
,05 (,01) | ,09 (,01) |
Crédibilité des citoyens |
,02 (<,01) | ,09 (,01) |
Impact local |
,16 (,01) | ,27 (,01) |
Impact social sur la communauté |
,17 (,01) | ,23 (,01) |
Sensibilisation aux devoirs et aux droits |
,04 (,01) | ,04 (<,01) |
Questions des citoyens |
,02 (<,01) | ,03 (<,01) |
Informations sur les activités des citoyens |
,10 (,01) | ,10 (,01) |
Soutien aux mouvements citoyens |
,01 (<,01) | ,03 (<,01) |
Infodivertissement
« Le rôle d’infodivertissement du journalisme utilise différents discours stylistiques, narratifs ou visuels afin de divertir et d’enthousiasmer le public. Ici, le journalisme emprunte les conventions des genres de divertissement (par exemple, les films d’action, les drames télévisés, les romans à suspense) en utilisant des dispositifs de narration et en établissant des personnages et un cadre » (Guide de codage JRP).
Le Canada se classe au huitième rang sur 37 pays pour la performance du rôle d’infodivertissement dans les reportages (voir tableau 6). Le Canada se situe au-dessus de la moyenne pour tous les indicateurs d’infodivertissement sauf un, mais son score est particulièrement élevé pour l’appel aux émotions, exprimées par une source ou par le journaliste, avec une moyenne de 0,24 par rapport à la moyenne internationale de 0,14. Cependant, cette moyenne élevée pour l’appel aux émotions est davantage le fait des reportages en anglais qu’en français (voir tableau 8). Il en va de même pour l’utilisation de la personnalisation, ou « information spécifique concernant une ou plusieurs personnes et leurs différentes caractéristiques intellectuelles, physiques, mentales ou sociales » (voir tableaux 6 et 8). Les articles qui contenaient des informations sur la vie privée des gens qu’ils « préfèrent normalement garder dans leur sphère personnelle », par exemple, les relations ou l’identification de l’endroit où une personnalité publique passe ses vacances, étaient également plus élevés par rapport à la moyenne internationale, mais, dans ce cas, ce sont les médias de langue française au Canada qui avaient une moyenne plus élevée (voir tableau 8).
La moyenne du Canada pour le sensationnalisme, soit 0,04, était bien inférieure à la moyenne internationale de 0,13. Le sensationnalisme est décrit dans le guide de codage comme « l’utilisation d’éléments de style ou de descriptions dans l’histoire qui mettent en évidence ou soulignent l’inhabituel, l’incroyable et le spectaculaire »—cette variable est destinée à coder les contenus qui démontrent « l’exagération, l’utilisation d’adjectifs superlatifs dramatiques et de dispositifs de narration qui augmentent le suspense ». Bien que la moyenne du sensationnalisme soit nettement plus élevée dans les médias francophones comparativement aux médias anglophones au Canada (voir le tableau 8), elle est encore environ la moitié de la moyenne internationale.
L’analyse par plateforme offre un éclairage complémentaire (voir tableau 7). La moyenne pour l’appel aux émotions était la plus élevée à la télévision et dans les médias numériques, à 0,29 ; cependant, elle était également élevée dans la presse écrite, avec une moyenne de 0,22. La télévision a également obtenu la moyenne la plus élevée pour le sensationnalisme et la morbidité, bien que la moyenne pour ces indicateurs soit relativement faible dans l’ensemble et toujours inférieure à la moyenne internationale.
En ce qui concerne l’écart entre l’importance que les journalistes accordent à ce rôle sur le plan conceptuel et sa performance réelle, avec une moyenne de 0,25, il est relativement faible par rapport à l’écart observé pour d’autres rôles, bien qu’il soit nettement plus important pour la perception de la fréquence à laquelle ce rôle est joué au sein de l’organisation, avec une moyenne de 0,32. Ces écarts positifs suggèrent que les journalistes interrogés accordent plus d’importance à ce rôle qu’à la fréquence à laquelle il est exercé, et qu’ils ont l’impression qu’il est exercé plus souvent qu’il ne l’est réellement.
Tableau 6. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle d’infodivertissement, tous pays et Canada
Indicateur |
Moyenne mondiale | Moyenne canadienne |
Personnalisation | ,16 (<,01) | ,24 (,01) |
Vie privée |
,07 (<,01) | ,11 (,01) |
Sensationnalisme |
,12 (<,01) | ,04 (<,01) |
Émotions |
,14 (<,01) | ,24 (,01) |
Morbidité |
,04 (,00) | ,05 (<,01) |
Tableau 7. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle d’infodivertissement, par plateforme
Indicateur |
Journal | Télévision | Radio | Médias numériques |
Personnalisation |
,21 (,01) | ,25 (,01) | ,22 (,01) | ,27 (,02) |
Vie privée |
,09 (,01) | ,09 (,01) | ,10 (,01) | ,16 (,01) |
Sensationalisme |
,02 (,01) | ,06 (,01) | ,02 (,01) | ,04 (,01) |
Émotions |
,22 (,01) | ,29 (,02) | ,18 (,01) | ,29 (,02) |
Morbidité |
,02 (<,01) | ,09 (01) | ,05 (,01) | ,04 (,01) |
Tableau 8. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle d’infodivertissement, par langue de diffusion
Indicateur |
Canada FR | Canada EN |
Personnalisation |
,16 (,01) | ,27 (,01) |
Vie privée |
,14 (,01) | ,10 (,01) |
Sensationalisme |
,07 (,01) | ,03 (<,01) |
Émotions |
,14 (,01) | ,29 (,01) |
Morbidité |
,02 (,01) | ,06 (,01) |
Interventionniste
« Le rôle interventionniste fait référence à un type de journalisme où le journaliste a une voix explicite dans l’histoire, et agit parfois en tant que défenseur d’individus ou de groupes dans la société. En ce sens, un plus grand niveau de participation du journaliste implique des niveaux plus élevés d’interventionnisme, et vice versa » (Guide de codage JRP).
Le Canada s’est classé troisième parmi l’ensemble des pays étudiés pour la performance du rôle interventionniste. En ce qui concerne les indicateurs individuels, deux indicateurs sont à l’origine de ce classement élevé : l’interprétation et l’utilisation d’adjectifs qualificatifs. L’utilisation d’adjectifs qualificatifs6Aux fins du codage, l’utilisation d’adjectifs qualificatifs n’a été mesurée que si le terme est émis par le journaliste (plutôt qu’attribuée à une source), en lien direct avec le sujet du reportage : par exemple, « un bonhomme de neige épique ». est un indicateur pour laquelle il y a une différence marquée entre la moyenne internationale de 0,33 et la moyenne canadienne de 0,59, avec une moyenne nettement plus élevée pour les reportages en français (0,67 contre 0,56 pour les reportages en anglais, voir tableau 11). Le Canada a également obtenu un score plus élevé pour l’interprétation, mesurée lorsqu’un journaliste explique les causes, les significations et les conséquences possibles de certains faits ou actions (voir tableau 9). Bien que le score moyen du Canada pour l’utilisation de la première personne soit proche de la moyenne internationale, il était plus élevé pour les contenus en anglais (0,13) qu’en français (0,05).
Les reportages télévisés, radiophoniques et en ligne étaient les plus susceptibles de contenir des adjectifs qualificatifs, avec des différences importantes entre la moyenne la plus élevée pour la télévision à 0,70 et la plus basse pour la presse écrite à 0,39 (voir tableau 10). La différence entre les moyennes d’interprétation entre les quatre plateformes n’est pas aussi marquée (voir tableau 10).
Les données de l’enquête montrent que, par rapport à la performance de tous les autres rôles au Canada, le rôle interventionniste présente l’écart le plus faible entre la conception et la performance, avec une moyenne de 0,07, et entre la mise en œuvre perçue et la performance, avec une moyenne de 0,10 (voir la figure 3 et le tableau 24), ce qui signifie qu’il y a une quasi-coïncidence entre la conception que les journalistes ont de l’importance de ce rôle, leur perception de la fréquence de sa mise en œuvre et sa performance réelle.
Tableau 9. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle interventionniste, tous pays et Canada
Indicateur |
Moyenne mondiale | Moyenne canadienne |
Point de vue du journaliste |
,17 (<,01) | ,18 (,01) |
Interprétation |
,29 (<,01) | ,48 (,01) |
Appel à l’action |
,04 (<,01) | ,03 (<,01) |
Adjectifs qualificatifs |
,33 (<,01) | ,59 (,01) |
Première personne du singulier |
,08 (<,01) | ,11 (,01) |
Tableau 10. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle interventionniste, par plateforme
Indicateur |
Journal | Télévision | Radio | Médias numériques |
Point de vue des journalistes |
,16 (,01) | ,19 (,01) | ,13 (,01) | ,26 (,01) |
Interprétation |
,43 (,02) | ,51 (,02) | ,55 (,02) | ,42 (,02 |
Appel à l’action |
,02 (,01) | ,02 (,01) | ,00 (<,01) | ,07 (,01) |
Adjectifs qualificatifs |
,39 (,02) | ,70 (,02) | ,61 (,02) | ,67 (,02) |
Première personne du singulier |
,11 (,01) | ,13 (,01) | ,08 (,01) | ,12 (,01) |
Tableau 11. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle interventionniste, par langue de diffusion
Indicateur |
Canada – FR | Canada – AN |
Point de vue du journaliste |
,19 (,01) | ,18 (,01) |
Interprétation |
,48 (,02) | ,48 (,01) |
Appel à l’action |
,02 (<,01) | ,04 (<,01) |
Adjectifs qualificatifs |
,67 (,01) | ,56 (,01) |
Première personne du singulier |
,05 (,01) | ,13 (,01) |
Facilitateur loyal
« Ce type de journalisme peut se matérialiser sous deux facettes. D’abord, les journalistes coopèrent avec ceux qui sont au pouvoir, et acceptent les informations qu’ils fournissent comme crédibles….. Dans sa deuxième variante, les journalistes soutiennent leur État-nation, en donnant une image positive de leur pays » (Guide de codage JRP).
Le Canada s’est classé au 23e rang international pour la performance du rôle de facilitateur loyal, un rôle généralement peu présent (comme le montrent les figures 1 et 2) qui tend toutefois à être plus élevé dans les pays où les libertés politiques, juridiques et économiques sont plus faibles (Stępińska et al., 2020). Les scores moyens du Canada sont systématiquement inférieurs à la moyenne internationale (voir le tableau 12) pour tous les indicateurs de ce rôle, à l’exception de la « comparaison avec d’autres pays » (égale avec une moyenne de 0,01 pour le Canada et pour l’ensemble des pays étudiés). Cependant, les médias numériques canadiens ont des scores moyens plus élevés que les autres plateformes pour certains indicateurs du rôle de facilitateur loyal (voir tableau 13).
Les données montrent un écart modéré entre la performance du rôle de facilitateur loyal mesurée par l’analyse de contenu et les évaluations des journalistes qui considèrent ce rôle comme une partie importante de leur travail. Cependant, de manière surprenante, il s’agit d’un écart positif. C’est-à-dire que les journalistes interrogés ont accordé plus d’importance au rôle de facilitateur loyal comparativement à la mesure de performance dans les contenus journalistiques, avec un écart moyen de 0,34. L’écart est encore plus grand entre la perception de sa mise en œuvre au sein de l’organisation et la performance de ce rôle, avec un écart moyen de 0,44.
Tableau 12. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle de facilitateur loyal, tous pays et Canada
Indicateur |
Moyenne mondiale | Moyenne canadienne |
Défense ou soutien des activités gouvernementales |
,04 (<,01) | ,02 (<,01) |
Défense ou soutien des politiques gouvernementales |
,02 (,00) | ,01 (<,01) |
Image positive de l’élite |
,07 (<,01) | ,05 (<,01) |
Progrès ou réussite |
,03 (,00) | ,02 (<,01) |
Comparaison avec d’autres pays |
,01 (,00) | ,01 (<,01) |
Triomphes nationaux |
,02 (,00) | ,01 (<,01) |
Promotion du pays |
,03 (,00) | ,01 (<,01) |
Patriotisme |
,01 (,00) | ,00 (<,01) |
Tableau 13. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle de facilitateur loyal, par plateforme
Indicateur |
Journal | Télévision | Radio | Médias numériques |
Défense ou soutien des activités gouvernementales |
,02 (<,01) | ,02 (<,01) | ,00 (,00) | ,06 (,01) |
Défense ou soutien des politiques gouvernementales |
,01 (<,01) | ,01 (<,01) | ,00 (,00) | ,01 (<,01) |
Image positive de l’élite |
,06 (,01) | ,03 (,01) | ,03 (,01) | ,10 (,01) |
Progrès ou réussite |
,00 (<,01) | ,02 (<,01) | ,00 (,00) | ,06 (,01) |
Comparaison avec d’autres pays |
,01 (<,01) | ,01 (<,01) | ,01 (<,01) | ,02 (,01) |
Triomphes nationaux |
,01 (<,01) | ,01 (<,01) | ,00 (<,01) | ,01 (<,01) |
Promotion du pays |
,00 (<,01) | ,01 (<,01) | ,00 (<,01) | ,02 (,01) |
Patriotisme |
,00 (<,01) | ,00 (,00) | ,00 (,00) | ,01 (<,01) |
Service
« Le journalisme qui donne la priorité à ce rôle fournit de l’aide, des conseils, des orientations et des informations sur la gestion de la vie quotidienne et des problèmes individuels (des nouvelles que vous pouvez utiliser) » (Guide de codage JRP).
Le Canada s’est classé au cinquième rang du classement international pour le rôle de service. D’un point de vue international, le Canada fait figure d’exception dans la plupart des pays en tête du classement, dont les Émirats arabes unis, la Pologne, l’Égypte et le Qatar. La moyenne canadienne de 0,21 était plus élevée que la moyenne internationale de 0,12 pour l’indicateur individuel « impact sur la vie quotidienne », ce qui se traduit par une plus grande prévalence de contenus en français qu’en anglais (voir tableau 16). On constate également une présence importante des contenus contenant des informations destinées aux consommateurs (voir tableau 14), les contenus en français présentant là encore une moyenne plus élevée, comme on l’a vu pour les astuces et les conseils relatifs aux risques individuels (voir tableaux 14 et 16).
Il y avait également des différences notables dans la façon dont ce rôle était présenté dans les contenus sur des plateformes particulières (voir tableau 15). La moyenne de l’indicateur d’impact sur la vie quotidienne était la plus élevée dans les contenus en ligne (0,28) et dans les reportages télévisés (0,25), mais elle était nettement plus faible à la radio et dans la presse écrite. Les astuces et les conseils concernant à la fois les griefs et les risques individuels étaient nettement plus élevés en ligne par rapport à toutes les autres plateformes et la moyenne pour l’indicateur d’information des consommateurs (les dernières tendances ou avancées en matière de produits ou de services) était plus de trois fois plus élevée dans la presse écrite et en ligne (voir tableau 15) qu’à la télévision et à la radio, tandis que les conseils aux consommateurs (aider le public à distinguer des produits ou services de qualités différentes) étaient absents des reportages télévisés codés dans notre échantillon et peu présents à la radio.
Nous observons un écart modéré dans l’importance que les journalistes accordent au rôle de service dans leur conception personnelle, par rapport à la performance dans les contenus, avec une moyenne de 0,44, et un écart plus important dans leur perception de la manière dont il était mis en œuvre au sein de l’organisation avec une moyenne de 0,51.
Tableau 14. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle de service, tous pays et Canada
Indicateur |
Moyenne mondiale | Moyenne canadienne |
Impact sur la vie quotidienne |
,12 (<,01) | ,21 (,01) |
Astuces et conseils (doléances) |
,03 (,00) | ,04 (<,01) |
Astuces et conseils 2 (risques individuels) |
,04 (<,01) | ,07 (<,01) |
Information pour les consommateurs |
,09 (<,01) | ,13 (,01) |
Conseils aux consommateurs |
,03 (,00) | ,05 (<,01) |
Tableau 15. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle de service, par plateforme
Indicateur |
Journal | Télévision | Radio | Médias numériques |
Impact sur la vie quotidienne |
,14 (,01) | ,25 (,01) | ,17 (,01) | ,28 (,02) |
Astuces et conseils 1 (doléances) |
,01 (<,01) | ,03 (01) | ,01 (<,01) | ,12 (,01) |
Astuces et conseils 2 (risques individuels) |
,06 (,01) | ,05 (,01) | ,04 (,01) | ,11 (,01) |
Information pour les consommateurs |
,21 (,01) | ,06 (,01) | ,04 (,01) | ,22 (,01) |
Conseils aux consommateurs |
,08 (,01) | ,00 (<,01) | ,02 (,01) | ,08 (,01) |
Tableau 16. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle de service, par langue de diffusion
Indicateur |
Canada FR | Canada EN |
Impact sur la vie quotidienne |
,24 (,01) | ,19 (,01) |
Astuces et conseils 1 (doléances) |
,03 (,01) | ,05 (<,01) |
Astuces et conseils 2 (risques individuels) |
,08 (,01) | ,06 (,01) |
Information pour les consommateurs |
,16 (,01) | ,12 (,01) |
Conseils aux consommateurs |
,07 (,01) | ,04 (<,01) |
Chien de garde
« Le rôle de chien de garde cherche à protéger l’intérêt public et à demander des comptes aux diverses élites au pouvoir, en servant de ‘quatrième pouvoir’ » (Guide de codage JRP).
Le rôle de chien de garde, à des fins de comparaison internationale, a été divisé en deux catégories : la façon dont les journalistes tiennent les élites responsables, le chien de garde « réel » ; et la façon dont les journalistes tiennent également les citoyens ordinaires sous surveillance publique, le chien de garde « citoyen » (Mellado et al., à paraître). Le Canada s’est classé au 10e rang international pour le rôle de chien de garde réel et au 21e rang international pour le rôle de chien de garde citoyen. Ces résultats n’indiquent pas seulement une position parmi l’ensemble des pays étudiés, ils démontrent également que les journalistes canadiens étaient plus susceptibles de se concentrer sur la surveillance de diverses élites, telles que les élus et les PDG de grandes entreprises, plutôt que sur les citoyens ordinaires, comme une personne accusée d’un crime. Pour l’analyse canadienne, les indicateurs individuels des articles démontrant le rôle de chien de garde ont été regroupés (par opposition à l’analyse des rôles réel et citoyen séparément) en raison de la petite taille de l’échantillon au niveau national. La différence la plus marquée entre le Canada et les autres pays à l’étude se situe sur le plan de l’utilisation de la « critique par les autres » dans la production journalistique, le Canada ayant une moyenne de 0,78 et la moyenne internationale étant de 0,39. Toutefois, ce classement élevé est attribuable aux contenus anglais, avec une moyenne de 0,90 comparativement à la moyenne de 0,49 pour les contenus en français.
L’utilisation d’informations sur les processus judiciaires ou administratifs, tels que les activités des tribunaux, est l’un des domaines où le Canada se situe en dessous de la moyenne internationale (voir le tableau 17) ; cependant, là encore, il existe une différence notable entre la moyenne anglophone de 0,40 et la moyenne francophone de 0,17. Il convient également de noter que les reportages d’enquête n’ont pas joué un rôle important, que ce soit à l’échelle nationale ou internationale (voir le tableau 17).
En raison de la petite taille de l’échantillon des contenus liés au rôle de chien de garde, qui entraîne une erreur type plus élevée, les résultats basés sur la plateforme doivent être considérés avec prudence. Ceci étant dit, parmi les quatre plateformes, la radio était la plus susceptible d’inclure des critiques de tiers et d’utiliser des informations sur les processus judiciaires ou administratifs dans les reportages (voir tableau 18). Cependant, la radio avait la moyenne la plus basse pour les journalistes agissant en tant que critique et rapportant des enquêtes externes.
Le résultat le plus marquant en ce qui concerne le rôle de chien de garde est probablement celui de l’importance qu’on lui accorde en tant qu’idéal journalistique par rapport à la fréquence à laquelle il est exercé. L’écart global entre la conception de l’importance de ce rôle et sa performance réelle, avec une moyenne de 0,84, est le plus important de tous les rôles, et l’écart pour la perception de la fréquence de l’exercice de ce rôle au niveau organisationnel n’est que légèrement inférieur (voir figure 3).
Tableau 17. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle de chien de garde, tous pays et Canada
Indicateur |
Moyenne mondiale | Moyenne canadienne |
Informations sur les procédures judiciaires ou administratives |
,43 (<,01) | ,34 (,02) |
Questionnement par le journaliste |
,11 (<,01) | ,03 (,01) |
Questionnement par d’autres personnes |
,19 (<,01) | ,12 (,01) |
Critique d’un journaliste |
,10 (<,01) | ,07 (,01) |
Critique par d’autres personnes |
,40 (<,01) | ,78 (,03) |
Divulgation par un journaliste |
,04 (<,01) | ,02 (,01) |
Divulgation par d’autres personnes |
,13 (<,01) | ,11 (,01) |
Reportage sur une enquête externe |
,07 (<,01) | ,09 (,01) |
Journalisme d’enquête |
,01 (,00) | ,01 (<,01) |
Tableau 18. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle de chien de garde, par plateforme
Indicateur |
Journal | Télévision | Radio | Médias numériques |
Informations sur les procédures judiciaires ou administratives |
,30 (,04) | ,29 (,04) | ,47 (,05) | ,28 (,04) |
Questionnement par le journaliste |
,03 (,01) | ,01 (<,01) | ,04 (,01) | ,04 (,01) |
Questionnement par d’autres personnes |
,14 (,02) | ,06 (,02) | ,12 (,02) | ,18 (,03) |
Critique d’un journaliste |
,07 (,02) | ,09 (,02) | ,02 (<,01) | ,10 (,02) |
Critique par les autres |
,80 (,06) | ,73 (,06) | ,90 (,06) | ,70 (,06) |
Divulgation par un journaliste |
,02 (,01) | ,02 (,01) | ,00 (,00) | ,03 (,01) |
Divulgation par d’autres personnes |
,13 (,02) | ,05 (,01) | ,07 (,01) | ,19 (,03) |
Reportage sur une enquête externe |
,10 (,01) | ,10 (,01) | ,03 (,01) | ,12 (,01) |
Journalisme d’enquête |
,02 (,01) | ,01 (,01) | ,00 (00) | ,02 (,01) |
Tableau 19. Scores moyens des indicateurs individuels du rôle de chien de garde, par langue de diffusion
Indicateur |
Canada – FR | Canada – AN |
Informations sur les procédures judiciaires ou administratives |
,17 (,03) | ,40 (,03) |
Questionnement par le journaliste |
,02 (,01) | ,03 (,01) |
Questionnement par d’autres personnes |
,12 (,02) | ,12 (,01) |
Divulgation par un journaliste |
,03 (,01) | ,08 (,01) |
Divulgation par d’autres personnes |
,49 (,04) | ,90 (,04) |
Reportage sur une enquête externe |
,01 (<,01) | ,02 (,01) |
Divulgation par d’autres personnes |
,06 (,02) | ,13 (,01) |
Reportage sur une enquête externe |
,05 (,01) | ,10 (,01) |
Journalisme d’enquête |
,01 (<,01) | ,02 (<,01) |
Discussion
Les entretiens avec des journalistes canadiens ont fourni un éclairage essentiel à la performance du rôle journalistique au Canada. Les questions soulevées par les enquêtés présentent des points communs, notamment des références fréquentes aux réductions drastiques du nombre de journalistes travaillant dans les salles de presse sur toutes les plateformes, comme l’a souligné un participant :
Lorsque j’ai commencé à [expurgé], nous avions une équipe rédactionnelle complète de 39 personnes : reporters, rédacteurs, rédacteurs en chef. Aujourd’hui, nous avons une équipe de cinq reporters. Nous avons deux photographes qui travaillent pour les trois quotidiens régionaux de [expurgé] et nous avons un rédacteur en chef responsable. Il est le directeur de la rédaction pour les trois journaux et [il y a] deux rédacteurs en chef pour trois journaux. C’est tout. C’est tout. Et nous couvrons une région d’un demi-million de personnes. (J2, communication personnelle, 17 juin 2020)
Le recours accru aux journalistes pigistes a aussi été fréquemment évoqué, de même que les nombreuses tâches effectuées au quotidien pour les journalistes qui ont choisi de rester dans la profession. Comme l’a noté un journaliste, « Quand vous lisez les descriptions de poste pour savoir ce que l’on attend de vous, c’est comme si vous cherchez un super-héros » (J5, communication personnelle, 21 mai 2021). La pression exercée sur la gestion des médias sociaux était également une préoccupation majeure, un journaliste décrivant Twitter comme « un endroit horrible… où les femmes subissent la violence et l’intimidation » (J3, communication personnelle, 23 octobre 2020). Les journalistes à qui nous avons parlé travaillaient également tous en pleine pandémie, dans des conditions qu’un rédacteur en chef a décrites comme « non viables » (R2, communication personnelle, 20 mars 2020). Cependant, malgré ces difficultés, les journalistes ont également parlé avec passion et espoir de leur travail, de nouveaux modèles commerciaux, de pratiques plus inclusives et de récits innovants. La discussion des résultats sera structurée autour des questions de recherche.
QR1: Comment la performance du rôle journalistique du Canada se compare-t-elle à celle des autres pays?
Les résultats de l’étude montrent des différences dans la performance des rôles canadiens. En ce qui concerne le rôle interventionniste, le classement élevé du Canada à l’échelle internationale s’explique principalement par l’utilisation de l’interprétation et des adjectifs qualificatifs. Mais à quoi cela ressemble-t-il dans un article de presse ? Dans un cas, un bonhomme de neige d’environ quatre mètres de haut a été décrit comme un « bonhomme de neige épique ». Dans un autre, décrivant le déficit budgétaire d’un conseil municipal, un journaliste a écrit dans la première phrase du lead (amorce) de son texte : « Face à une apocalypse budgétaire en raison de la pandémie » (en anglais: Facing a pandemic budget apocalypse). L’expression sans doute galvaudée « breaking news » a également été codée comme un adjectif qualificatif. Parfois, un adjectif qualificatif peut simplement être considéré comme un bon descripteur, comme dans le cas du bonhomme de neige épique. Cependant, l’utilisation du terme « apocalypse » pourrait être interprétée comme hyperbolique, tandis que l’utilisation de « breaking news » concerne davantage les efforts pour positionner une organisation sur le marché de l’information que la présence ou la voix d’un journaliste individuel dans une histoire. En tant que telle, la question de savoir ce que l’utilisation d’adjectifs qualificatifs implique réellement, et comment mesurer au mieux l’utilisation d’adjectifs qualificatifs en tant qu’acte d’interventionnisme, mérite d’être approfondie.
Notre analyse de contenu a révélé que l’interventionnisme au Canada est moins lié au point de vue du journaliste qu’à l’interprétation des événements à partir des informations disponibles—ou, en d’autres termes, qu’à une tentative d’explication des causes et des effets. Cependant, les entretiens avec les journalistes ont également révélé que la doxa journalistique fait encore l’objet de négociations en ce qui concerne les notions d’interprétation et d’objectivité, comme en témoignent les opinions divergentes exprimées par les journalistes. Par exemple, l’un d’entre eux a déclaré : « Je pense toujours que vous devez être impartial, juste raconter l’histoire. Les chroniqueurs ont leurs opinions et c’est autre chose. Mais je pense que le reportage doit rester impartial » (J1, communication personnelle, 15 octobre 2020). Un autre a déclaré : « Je ne suis pas d’accord avec l’objectivité et le fait de donner une place égale à toutes les parties dans un reportage. Je dirais que c’est tombé dans l’oubli, et c’est tant mieux » (J5, communication personnelle, 21 mai 2021).
Le rôle civique est un autre domaine où le Canada se distingue. Parmi les pays étudiés, « les cultures journalistiques qui se classent le mieux dans l’exercice de ce rôle sont des démocraties à part entière » (Mellado et. al, à paraître). Pourtant, dans les reportages canadiens, le fait de s’adresser aux citoyens en tant que sources et de se concentrer sur la façon dont les décisions politiques peuvent avoir un impact sur le public à l’échelle communautaire semble plus courant que dans d’autres systèmes médiatiques. Les anciennes journalistes canadiennes de l’équipe de recherche ont estimé que les preuves empiriques confirmaient leurs propres pratiques rédactionnelles, qui valorisaient la recherche de personnes pour partager leurs expériences ou exprimer leurs préoccupations, élément considéré comme essentiel dans de nombreux reportages.
QR2: La performance du rôle journalistique est-elle différente dans les reportages sur les pandémies?
Comme le Canada n’a pas fait partie de la première vague du projet JRP, il est difficile de déterminer les changements spécifiques concernant les reportages hors du contexte de la pandémie ; toutefois, des études antérieures, des constatations générales, des entretiens avec des journalistes et une analyse d’indicateurs spécifiques fournissent quelques pistes d’explication. En ce qui concerne la couverture de la COVID-19 en particulier, nous nous attendions à trouver des niveaux plus élevés du rôle de facilitateur loyal, compte tenu des circonstances sans précédent de la crise sanitaire et des commentaires des journalistes, comme ce journaliste de télévision :
Si une personne de la santé publique dit, écoutez, vous devez éviter les grandes foules ou les rassemblements… c’est assez bon pour moi, et je vais faire passer ce message et le renforcer, vous savez, si on me demande… Je ne me sens pas obligé de le faire. Je pense simplement que c’est la chose responsable à faire en tant qu’être humain. (J4, communication personnelle, 28 septembre 2020)
Alors que la moyenne du rôle de facilitateur loyal était plus élevée dans les contenus COVID canadiennes (0,018) que non COVID (0,016) (Hallin et al., à venir), il est important de situer cette observation dans le cadre d’une performance très faible de ce rôle par rapport à tous les autres (comme on le voit dans la Figure 2). Cependant, cette augmentation de la moyenne pour les contenus associés au rôle de facilitateur loyal ne trouve pas d’écho dans l’échantillon international et n’a été observée que dans neuf autres pays dans les reportages sur la pandémie (Hallin et al., à paraître). La couverture apparemment plus empreinte de déférence des médias canadiens dans certains reportages sur la pandémie concorde également avec la critique croissante du journalisme, qui s’est accélérée après notre collecte de données et qui a été particulièrement visible lors des manifestations des camionneurs au Canada au début de 2022. En outre, les données d’enquête recueillies au cours de cette période indiquent un déclin de la confiance dans les médias d’information, ainsi qu’une perception plus négative de l’indépendance des médias par rapport aux pressions politiques et commerciales (Brin & Charlton, 2022). Cependant, d’autres suggèrent que le problème pourrait être davantage lié à la confiance dans les institutions, en général (Anderson & Coletto, 2022). Ce manque de confiance face au très faible niveau de performance du rôle de facilitateur loyal soulève une question pour les recherches futures : certains rôles nécessitent-ils moins de performance que d’autres pour être remarqués par le public, ou du moins par un segment particulier du public ?
Le rôle de service est un autre domaine où les résultats suggèrent que la période de l’étude pourrait avoir eu un impact sur les niveaux de certains indicateurs en raison, par exemple, d’articles fréquents sur des sujets tels que la façon de porter un masque ou les meilleurs types de désinfectant pour les mains. Cependant, étant donné que le reste du monde était également confronté à une pandémie pendant la collecte des données, le classement élevé du Canada suggère que le journalisme canadien est plus apte à adopter une approche de journalisme de service (news you can use) dans ses reportages. Comme l’a noté un rédacteur en chef,
Nous apportons [cette] information, quel que soit le problème, d’une manière qui aide vraiment les gens à prendre des décisions intelligentes pour leur vie, leur travail. Nous voulons vraiment appliquer ce que nous produisons jusqu’à « Comment cela m’affecte-t-il et pourquoi devrais-je m’en soucier ? ». (R1, communication personnelle, 20 mars 2020)
D’un point de vue international, considérant en particulier le classement élevé du Canada avoisinant celui des pays sous la gouverne de régimes autoritaires, « les niveaux plus élevés du rôle de service dans les sociétés autoritaires pourraient être liés à l’approche plus éducative des médias dans les contextes autoritaires, où « être un guide » et dire aux gens quoi faire dans chaque situation fait partie de la culture journalistique » (Mellado et al., à paraître). Le sentiment de devoir conseiller le public a peut-être été plus manifeste dans le traitement journalistique de la pandémie au Canada, où les reportages sur la COVID-19 ont été plus fréquents. Au Canada, les articles qui mentionnaient la COVID-19 représentaient un pourcentage beaucoup plus important de l’ensemble des contenus que dans les autres pays (52,3 % par rapport à 35 % pour l’ensemble des pays étudiés ; la moyenne internationale tombe à 34,5 % en excluant les contenus canadiens). Cependant, cela pourrait aussi être lié au consumérisme, et il est possible que le problème de confiance précédemment mentionné vienne brouiller les cartes relativement à certains aspects du rôle de service. Si « seule une petite minorité croit que la plupart des organismes d›information font passer ce qui est le mieux pour la société avant leur propre intérêt commercial » (Kleis Nielsen, 2022, p. 6), les contenus promotionnels qui ressemblent à des nouvelles pourraient-ils également affecter la confiance du public ? Voilà une autre piste de recherche.
L’utilisation de sources expertes est peut-être liée au contexte de la pandémie. Dans les contenus canadiens analysés, les sources expertes (définies comme des « spécialistes dans leur domaine spécifique » dans le guide de codage JRP, comme par exemple un scientifique ou un planificateur financier) ont été utilisées dans 30 % de tous les articles, soit le double du pourcentage de la moyenne internationale de 15,4 % (incluant les données canadiennes) ; toutefois, dans les articles canadiens sur la santé, ce chiffre passe à 40 %, contre 22 % dans l’ensemble des pays étudiés. Au Canada, cela pourrait indiquer que les journalistes qui traitent de la COVID-19 se fient davantage aux experts, qu’ils ne sont pas habitués à ce type de couverture et qu’ils se soucient de l’exactitude des informations pendant une crise sanitaire sans précédent. Cependant, il se pourrait aussi que ce soit simplement la norme pour les journalistes canadiens d’inclure la mise en contexte par des experts dans un article, ce qui a été confirmé par les chercheurs qui ont travaillé sur ce projet et qui avaient déjà travaillé dans des salles de presse. L’analyse de contenu journalistique publié hors du contexte de pandémie permettrait d’en savoir plus.
QR3: Y a-t-il des différences dans la performance des rôles entre les médias francophones et anglophones au Canada?
D’avril à juin 2020, le Canada a connu la première vague de COVID-19, qui a été particulièrement meurtrière au Québec, notamment pour les personnes âgées dans les foyers de soins de longue durée. En raison de cela et du fait que les médias francophones sont plus fortement axés sur les institutions provinciales que fédérales, en plus de l’hypothèse d’une culture journalistique francophone plus politisée, nous nous attendions à trouver au moins quelques différences dans l’exécution du rôle, la conception, la mise en œuvre ou les écarts entre ces différentes mesures. Cela n’a pas été le cas.
D’une manière générale, nous n’avons pas observé d’écarts importants dans la performance globale entre les journalistes francophones et anglophones ; cependant, il y a quelques différences, en particulier sur le plan des indicateurs individuels pour certains rôles. Par exemple, en ce qui concerne le rôle civique, les médias de langue anglaise ont obtenu une moyenne plus élevée de 0,27 contre 0,16 pour les médias de langue française pour « l’impact local ». Cela est quelque peu surprenant, étant donné que l’on pourrait s’attendre à ce que les médias québécois s’attardent davantage à l’actualité régionale, même en tenant compte du fait que l’un des journaux de langue anglaise, le Toronto Star, est une publication locale avec une forte couverture des enjeux nationaux.
Une autre différence notable est l’utilisation de la « critique par les autres » dans le rôle de chien de garde. Les médias de langue française sont proches de la moyenne internationale alors que ceux de langue anglaise sont près du double de celle-ci. Pour le rôle interventionniste, les médias de langue française utilisent plus d’adjectifs qualificatifs, les médias de langue anglaise utilisent plus fréquemment la première personne et l’utilisation de l’interprétation est à peu près la même. En ce qui concerne l’infodivertissement, les émotions étaient plus présentes dans les médias de langue anglaise, le sensationnalisme plus présent en français, mais tout de même faible. Une analyse qualitative des différences entre les médias des deux groupes linguistiques, examinant des contenus typiques de chacun de ces rôles, et une analyse à plusieurs niveaux des indicateurs qui déterminent la performance des rôles dans des types particuliers de textes journalistiques aideraient à déterminer pourquoi et comment ces différences peuvent se produire.
Si l’on considère l’écart entre la conception ou la mise en œuvre perçue et la performance du rôle interventionniste, il existe un petit écart négatif dans l’échantillon francophone entre la performance (contenu) du rôle interventionniste et la mise en œuvre (pratique organisationnelle perçue) et surtout entre la performance de ce rôle et sa conception (valeurs personnelles des journalistes). Dans l’échantillon en anglais, l’écart est positif, mais également faible. Les journalistes francophones interrogés semblent accorder moins d’importance à ce rôle dans leur pratique organisationnelle et leurs valeurs personnelles, bien que la conception, la perception et la mise en œuvre soient presque alignées dans ce rôle pour les médias de langue française et anglaise.
QR4: Y a-t-il des différences dans la performance des rôles au Canada en fonction du type de média?
Les résultats montrent qu’il existe des différences marquées dans la performance du rôle en fonction du type de média (voir la figure 4), mais peu d’entre elles sont cohérentes entre tous les sites d’une plateforme spécifique, ou uniques à une plateforme. La performance du rôle de chien de garde était assez uniforme sur toutes les plateformes, mais la radio avait une moyenne plus élevée pour deux indicateurs de ce rôle ; tandis que le média ayant la moyenne la plus élevée, dans l’ensemble, était CBC.ca (voir tableau 21), suivi de près par le Globe and Mail. Les résultats pour le rôle de service sont très différents d’une plateforme à l’autre, avec des classements particulièrement élevés dans les contenus en ligne, ce qui suggère que la logique médiatique aurait un impact plus important sur ce rôle, en particulier, en raison du formatage de certains types d’articles, par exemple, les courts textes sous formes de listes (p.ex. « Dix bons trucs pour… »). Cependant, ici aussi, nous observons des anomalies. Le Globe and Mail a une moyenne plus élevée (0,14, voir tableau 22) que tous les autres journaux, la télévision et la radio. Il occupe la troisième place parmi les quatre premiers médias de cette catégorie, avec les médias numériques que nous avons étudiés. Il est possible que l’outil d’analyse web interne du Globe, Sophi (Kalim, 2020), entraîne une prise de décision éditoriale plus alignée entre ses plateformes, comme on l’observe dans d’autres entreprises de presse (Blanchett, 2021a).
L’infodivertissement est un autre rôle dont les performances sont différentes, mais pas de manière constante, d’une plateforme à l’autre. Ce rôle est souvent assimilé à la logique médiatique, générant des nouvelles de moindre qualité, dont l’objectif est davantage de promouvoir les clics ou maximiser l’auditoire et attirer des annonceurs que d’informer le public sur des informations essentielles à sa compréhension des événements importants. Bourdieu considérait que la télévision est particulièrement portée sur l’infodivertissement et qu’elle « fait courir un danger très grand aux différentes sphères de la production culturelle, art, littérature (…), un danger non moins grand à la vie politique et à la démocratie » (1996, p. 5). Bien que la télévision ait obtenu des scores plus élevés dans la majorité des catégories d’infodivertissement, conformément à nos attentes, la fourchette des moyennes était souvent assez proche, à l’exception de la morbidité, et le média au score le plus élevé, bien au-dessus de la moyenne canadienne, pour l’infodivertissement en général était en fait un média numérique, HuffPost Canada (voir le tableau 23 ; à noter que la présence de vidéos avec les articles en ligne a également été codée et HuffPost produisait une quantité importante de vidéos). Les nouvelles télévisées de CTV étaient proches de celles de HuffPost, mais la performance de TVA était avant-dernière en matière d’infodivertissement, notamment plus faible que celle des journaux National Post et Toronto Star. Dans l’ensemble, l’infodivertissement est pratiqué sur toutes les plateformes au Canada et, selon les journalistes interrogés, il est utilisé de manière intentionnelle. Un rédacteur en chef, qui avait travaillé sur plusieurs plateformes, considère que l’objectif global de son entreprise de presse est de faire rendre des comptes aux puissants, mais il a également déclaré qu’il n’y avait « aucune honte » (R4, communication personnelle, 20 février 2020) à réaliser des histoires virales ou à couvrir « l’écureuil qui fait du ski nautique », tant que l’on produit également des contenus importants pour la société. Un autre rédacteur en chef a déclaré : « Assurons-nous d’être les premiers sur place avec des informations utiles, contextuelles, intéressantes et, vous savez, amusantes, quand c’est approprié, sérieuses quand ce n’est pas le cas » (R2, communication personnelle, 20 mars 2020).
L’un des indicateurs du rôle d’infodivertisse-ment, le sensationnalisme, est globalement très faible dans les contenus produits pour les médias canadiens. Il convient toutefois de noter que nos sites d’étude comprennent les médias canadiens les plus importants et les plus reconnus ; l’analyse de contenu n’a pas inclus les articles d’opinion, souvent polarisants, et les articles publiés ou diffusés sur nos sites d’étude qui ont été générés par d’autres entreprises ou agences n’ont pas été codés, mais pourraient néanmoins avoir un impact sur la performance globale et la perception du public d’un média d’information particulier. L’examen de la performance des rôles à une plus grande échelle pourrait s’avérer un domaine productif de recherche future.
On constate aussi des différences de performance entre les plateformes pour le rôle civique. Par exemple, la radio et la télévision affichent des moyennes plus élevées pour la couverture des activités des citoyens. Comme le reconnaît la littérature sur la logique médiatique précédemment citée, cela n’est pas surprenant étant donné que les formats de diffusion incluent généralement des voix de citoyens et la couverture de manifestations et d’événements qui répondent aux exigences visuelles ou auditives pour ces types d’histoires. La logique médiatique étant fortement liée aux processus visant à générer des revenus, d’autres recherches pourraient examiner comment la logique médiatique se présente dans des environnements convergents, et quels facteurs, par exemple le mode de propriété, pourraient influencer les pratiques de production.
QR5: Quels rôles les journalistes canadiens considèrent-ils comme les plus importants ?
Les journalistes canadiens interrogés considèrent que le rôle de chien de garde est le plus important et qu’il est exercé à un niveau beaucoup plus élevé que ce qui ressort de l’analyse de contenu. C’est l’écart le plus important entre les idéaux et la pratique. Cependant, il ressort des entretiens avec les journalistes que le manque de ressources et de temps pouvait faire obstacle à cette fonction primaire du journalisme. L’écart a peut-être moins à voir avec l’intention qu’avec les contraintes. Parlant de la nécessité de demander des comptes au pouvoir, un journaliste a déclaré,
Je ne m’attends pas à ce que tous les journalistes soient capables d’être à la hauteur de leurs idéaux. Je ne pense pas que notre industrie soit structurée de manière à les soutenir dans ce domaine. Je ne considère donc pas que les gens qui ont le temps de le faire sont moralement supérieurs à ceux qui n’ont pas le temps de le faire. (J6, communication personnelle, 17 novembre 2021)
Le rôle civique présente le deuxième plus grand écart. En d’autres termes, bien que les journalistes interrogés reconnaissent que le fait d’informer les citoyens de l’impact des décisions politiques et d’entendre les citoyens constitue un travail journalistique important, ce niveau d’importance ne se reflète pas dans les contenus produits par les organisations étudiées, même si le Canada se classe au deuxième rang international pour la performance civique.
Le faible écart entre l’importance accordée à l’infodivertissement, sa mise en œuvre et sa performance suggère que, même si les journalistes canadiens n’accordent pas une grande importance à ce rôle, ils l’acceptent et sont conscients de la manière dont l’infodivertissement est utilisé dans le journalisme canadien. Cela pourrait également refléter une meilleure compréhension du fait que même si une histoire est « divertissante », elle peut tout de même être « informative », ou la présence d’une logique médiatique positive (Blanchett, 2021b) au sein du système médiatique canadien. Les recherches futures pourraient permettre de mieux distinguer comment les journalistes canadiens s’efforcent de trouver un équilibre entre la création de contenus qui touchent le public sans tomber dans le sensationnalisme, comment l’infodivertissement peut coexister avec d’autres rôles journalistiques dans une organisation donnée et même dans un article spécifique, et quels aspects de la culture des salles de rédaction influencent le plus la prévalence des indicateurs d’infodivertissement.
L’écart entre la conception de l’importance du rôle de service et sa mise en œuvre perçue et réelle est également très intéressant en termes de doxa journalistique – non pas parce qu’il est relativement important par rapport à d’autres rôles, mais parce qu’il est similaire en taille à l’écart du facilitateur loyal. On pourrait s’attendre à ce que les journalistes canadiens accordent autant d’importance au service et aux récits qui ont un impact sur la vie quotidienne qu’au soutien des récits des personnes au pouvoir. Cependant, il peut s’agir d’un autre impact de la couverture de la pandémie.
Conclusion
Qu’ils travaillent pour un radiodiffuseur public, un journal privé ou un média numérique, en français ou en anglais, les journalistes canadiens, selon notre étude, accomplissent une variété de rôles journalistiques selon le sujet, ou même dans leur traitement d’un même sujet. La seule constante se trouve dans l’hétérogénéité de la pratique, ce qui remet en question les notions selon lesquelles certains rôles sont distincts d’un média spécifique, et appuie les conclusions liées à l’exécution des rôles dans la première vague de l’étude JRP (Mellado, 2020). Comme dans de nombreux autres pays, il y a un écart important entre l’importance accordée au rôle de chien de garde et la fréquence à laquelle il est exercé, et peu de preuves que les journalistes agissent comme des facilitateurs loyaux. Cependant, le journalisme canadien présente des aspects uniques par rapport aux autres pays étudiés.
Il est plus courant au Canada de s’adresser aux citoyens en tant que sources, d’expliquer comment les décisions politiques peuvent avoir un impact sur le public au niveau communautaire et de fournir un journalisme axé sur le service. Le recours à l’émotion est élevé, mais pas le sensationnalisme. Le témoignage d’un membre d’une famille endeuillée ou l’expression de la colère sur des questions politiques peut simplement représenter la réalité ou les circonstances, plutôt que de constituer un moyen facile de rendre le texte plus divertissant. Les journalistes canadiens ont fréquemment recours à l’interprétation, mais ils s’appuient aussi plus souvent sur les explications des experts que les médias internationaux examinés dans cette étude.
Cela ne veut pas dire que le journalisme canadien soit sans faille. Certains textes et certaines histoires ne semblaient pas refléter la doxa journalistique et ont suscité des interrogations quant à l’éthique de certaines pratiques visant à générer des revenus, tels que des contenus à la limite du publireportage, mais non signalés comme tels.
Il est également important de reconnaître que notre échantillon ne rend pas compte de toutes les nuances de la pratique journalistique au Canada. Comme nous l’avons mentionné précédemment, nous étudions dans l’ensemble les organisations canadiennes les plus conventionnelles, et, en raison de l’accent mis sur les contenus nationaux, seuls les radiodiffuseurs publics sont représentés dans notre échantillon radio.
Malgré ces limites, et bien qu’il y ait encore beaucoup de données à décortiquer, la principale conclusion de cette première analyse des données de l’étude JRP est que les rôles axés sur l’auditoire sont prédominants dans le journalisme canadien. Les journalistes s’efforcent d’impliquer le public sur toutes les plateformes, en utilisant à la fois les voix des citoyens et les sources expertes. Bien que la convergence conduise à des pratiques similaires dans tous les médias et toutes les langues, des différences distinctes subsistent. En ce qui concerne les débats de longue date sur l’objectivité et la place d’un journaliste dans le récit, il arrive qu’un bonhomme de neige « épique» ne soit qu’un bonhomme de neige « épique »—l’utilisation d’un langage descriptif et l’interprétation ne sont pas nécessairement synonymes de promotion d’idées ou d’intérêts particuliers. La question de savoir si le public arrive à la même conclusion est toutefois plus complexe.
- Ce terme est employé ici au sens de l’accomplissement des rôles professionnels et non de l’optimisation des résultats.
- Toutes les citations ont été traduites de l’anglais par les autrices.
- HuffPost Canada et HuffPost Québec ont mis fin à leurs activités le 9 mars 2021.
- Certains contenus peuvent ne pas avoir été étiquetés comme provenant de la Presse canadienne.
- Les sondages remplis par les journalistes du National Post, de la radio et de la télévision de la CBC n’ont pas été inclus dans l’ensemble des données internationales car ces médias n’avaient pas une taille d’échantillon suffisante pour répondre aux exigences de l’étude JRP. Ces enquêtes exclues pourront être utilisées dans de futures analyses uniquement nationales.
- Aux fins du codage, l’utilisation d’adjectifs qualificatifs n’a été mesurée que si le terme est émis par le journaliste (plutôt qu’attribuée à une source), en lien direct avec le sujet du reportage : par exemple, « un bonhomme de neige épique ».
Notes :
Le projet Journalistic Role Performance au Canada a été soutenu par Mitacs, le Centre d’études sur les médias, le Journalism Research Centre de l’Université métropolitaine de Toronto, la Creative School de l’Université métropolitaine de Toronto et l’Université métropolitaine de Toronto.
Traduction: Colette Brin, assistée par DeepL.com
Nicole Blanchett siège au comité de rédaction de Facts and Frictions ; cependant, cet article a été évalué à l’aveugle par des pairs et son rôle d’autrice n’était pas connu des évaluateurs désignés pendant le processus, de la soumission à l’acceptation.
Colette Brin est présidente du Comité consultatif indépendant sur l’admissibilité aux mesures fiscales pour soutenir le journalisme mises en oeuvre par le gouvernement du Canada. Sa participation à la présente étude n’engage aucunement le Comité ni l’Agence du Revenu du Canada.
Nicole Blanchett est professeure agrégée à l’École de journalisme de la Creative School de l’Université métropolitaine de Toronto. nicole.blanchett@ryerson.ca
Colette Brin est professeure titulaire au Département d’information et de communication de l’Université Laval. colette.brin@com.ulaval.ca
Cheryl Vallender est professeure de journalisme au Sheridan College cheryl.vallender@sheridancollege.ca
Heather Rollwagen est professeure agrégée au Département de sociologie de l’Université métropolitaine de Toronto. hrollwagen@ryerson.ca
Karen Owen est professeure agrégée à l’École des études en communication de l’Université Mount Royal. kowen@mtroyal.ca
Lisa Taylor est professeure agrégée à l’École de journalisme de la Creative School de l’Université métropolitaine de Toronto. lisa.taylor@ryerson.ca
Claudia Mellado est professeure à l’École de journalisme, Pontificia Universidad Católica de Valparaíso, Valparaíso, Chile. claudia.mellado@pucv.cl
Sama Nemat Allah est étudiante de premier cycle à l’École de journalisme de la Creative School de l’Université métropolitaine de Toronto.
Kelti McGloin est candidate au doctorat à l’école de droit Schulich de l’Université Dalhousie.
Annexes
Figure 2
Figure 3
Figure 4
Tableau 20. Comparaisons des moyennes par rôle, par langue de diffusion, au Canada et tous pays
Rôle |
Canada – AN | Canada – FR | Canada – Tous | Tous pays | ||||
Moyenne | Erreur type | Moyenne | Erreur type | Moyenne | Erreur type | Moyenne | Erreur type | |
Interventionniste |
,28 | <,01 | ,28 | ,01 | ,28 | <,01 | ,18 | <,01 |
Chien de garde (réel)
|
,07 | <,01 | ,05 | <,01 | ,07 | <,01 | ,05 | <,01 |
Chien de garde (citoyen) |
,01 | <,01 | ,01 | <,01 | ,01 | <,01 | ,01 | <,01 |
Loyal-facilitateur
|
,02 | <,01 | ,02 | <,01 | ,02 | <,01 | ,03 | <,01 |
Service |
,09 | <,01 | ,12 | ,01 | ,10 | <,01 | ,06 | <,01 |
Infodivertissement |
,15 | <,01 | ,11 | ,01 | ,14 | <,01 | ,11 | <,01 |
Civique | ,12 | <,01 | ,08 | <,01 | ,11 | <,01 | ,06 | <,01 |
Tableau 21. Scores moyens pour le rôle de chien de garde, par site d’étude
Site d’étude |
Score moyen |
CTV |
,06 (,01) |
CBC TV Canada |
,07 (,01) |
Global |
,05 (,01) |
TVA |
,05 (,01) |
CBC Radio |
,07 (<,01) |
Radio-Canada |
,05 (<,01) |
Globe and Mail |
,09 (,01) |
National Post |
,05 (,01) |
Toronto Star |
,07 (,01) |
La Presse |
,04 (,01) |
cbc,ca |
,11 (,01) |
HuffPost Canada |
,06 (,01) |
Tableau 22. Scores moyens pour le rôle de service, par site d’étude
Site d’étude |
Score moyen |
CTV |
,09 (,01) |
CBC TV Canada |
,06 (,01) |
Global |
,07 (,01) |
TVA |
,09 (,01) |
CBC Radio |
,04 (<,01) |
Radio-Canada |
,07 (,01) |
Globe and Mail | ,14 (,01) |
National Post |
,09 (,01) |
Toronto Star |
,08 (,01) |
La Presse | ,18 (,01) |
cbc.ca |
,13 (,01) |
HuffPost Canada |
,15 (,01) |
Tableau 23. Scores moyens pour le rôle d’infodivertissement, par site d’étude
Site d’étude |
Score moyen |
CTV |
,20 (,01) |
CBC TV Canada |
,19 (,01) |
Global |
,14 (,01) |
TVA |
,09 (,01) |
CBC Radio |
,12 (,01) |
Radio-Canada |
,11 (,01) |
Globe and Mail |
,08 (,01) |
National Post |
,13 (,01) |
Toronto Star |
,13 (,01) |
La Presse |
,11 (,01) |
cbc.ca |
,17 (,01) |
HuffPost Canada |
,23 (,01) |
Tableau 24. Scores moyens des écarts par rôle, par langue de diffusion et au Canada
Rôle |
Canada AN | Canada FR | Canada TOUS |
Interventionniste |
|||
Écart Performance-Conception |
,10 (,02) | -,07 (,03) | ,07 (,02) |
Écart Performance-Perception de la mise en œuvre |
,13 (,02) | -,03 (,04) | ,10 (,02) |
Chien de garde | |||
Écart Performance-Conception |
,82 (,01) | ,92 (,01) | ,84 (,01) |
Écart Performance-Perception de la mise en œuvre |
,73 (,02) | ,89 (,02) | ,75 (,02) |
Facilitateur loyal | |||
Écart Performance-Conception |
,35 (,02) | ,29 (,04) | ,34 (,02) |
Écart Performance-Perception de la mise en œuvre |
,46 (,02) | ,34 (,04) | ,44 (,02) |
Infodivertissement | |||
Écart Performance-Conception |
,25 (,02) | ,25 (,04) | ,25 (,02) |
Écart Performance-Perception de la mise en œuvre |
,32 (,02) | ,30 (,03) | ,32 (,01) |
Service | |||
Écart Performance-Conception |
,43 (,02) | ,51 (,03) | ,44 (,02) |
Écart Performance-Perception de la mise en œuvre |
,50 (,02) | ,53 (,03 | ,51 (,01) |
Civique | |||
Écart Performance-Conception |
,68 (,01) | ,77 (,01) | ,70 (,01) |
Écart Performance-Perception de la mise en œuvre |
,62 (,01) | ,74 (,03) | ,64 (,01) |
REFERENCES
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