Volume 1 Issue 1, Article
Samuel Lamoureux
Faculté de communication, Université du Québec à Montréal
Résumé
Le Passionné, le Surchargé, le Méritocratisé et le Déprimé: quatre subjectivités pour penser la composition de classe des journalistes québécoispenser québécois
Cet article s’intéresse à l’impact de la forme actuelle du capitalisme sur le procès de travail journalistique, et plus particulièrement sur les subjectivités des journalistes québécois. Suivant les recherches qui analysent la mobilisation de la subjectivité des travailleurs et des travailleuses par les nouvelles formes managériales du capitalisme postfordiste, nous postulons que le procès de travail journalistique actuel produit quatre types de subjectivités qui se superposent de manière cyclique : Le Passionné, le Surchargé, le Méritocratisé et le Déprimé. Ce cycle de subjectivités mène graduellement vers un processus de décomposition de classe, la sortie du métier étant une quête d’un cycle de subjectivités plus supportable.
Mots-clés : travail journalistique, composition de classe, subjectivité, cycle, souffrance au travail, méritocratie.
Abstract
The Passionate, the Overloaded, the Meritocratized and the Depressed: Four subjectivities for thinking about the class composition of Quebec journaliststhinking journalists
This article examines the impact of the current form of capitalism on the journalistic labour process, and more specifically on the subjectivities of Quebec journalists. Following the research which analyzes the mobilization of the subjectivity of workers by the new managerial forms of post-Fordist capitalism, we postulate that the current journalistic labour process produces four types of subjectivities which are superimposed in a cyclical way: The Passionate, the Overloaded, the Meritocratized and the Depressed. This cycle of subjectivities gradually leads to a process of class decomposition. Leaving the profession is a quest for a more liveable cycle of subjectivities.
Keywords: journalistic labour, class composition subjectivity, cycle, work suffering, meritocracy.
Introduction
Examinons avec un œil de sociologue la situation suivante : en mars 2016, le quotidien montréalais Le Devoir (Québec, Canada) publie un dossier concernant le déclin du métier de journaliste, à la fois numériquement, dans le sens qu’il y aurait moins de journalistes qu’avant, mais aussi symboliquement, à savoir que la profession aurait perdu de son lustre et de son attrait face aux multiples crises de l’industrie. À l’intérieur du dossier se retrouve un article sur la journaliste culturelle Marie-Christine Blais qui annonce qu’elle quitte le métier après une carrière de 25 ans, surtout au journal La Presse. Celle-ci relate son burnout et sa relation difficile avec un « patron toxique » et un climat de travail toujours plus rapide et exigeant. « J’étais brûlée et j’avais l’impression de marcher dans une vallée de cendre pendant deux ou trois mois » (Baillargeon, 2016), dit-elle en expliquant son choix de fuir sa profession à l’âge de 57 ans. Pour aller où lui demande l’intervieweur ? Pour devenir mécanicienne lui répond-elle, en annonçant qu’elle suit déjà depuis plusieurs semaines une formation en mécanique de véhicules légers (moto, scooters, etc.). « Le journalisme change. Il doit changer. Mais je crois aussi que le système de l’information se renverse et que quelque chose est cassé » (Baillargeon, 2016), ajoute la critique culturelle en soulignant que « la mécanique, elle, demande de réfléchir ».
La question se pose d’elle-même : comment peut-on expliquer qu’un membre de la « classe créative », une des classes les plus prestigieuses et les plus attractives du marché du travail (Sandoval, 2016 ; Huws, 2010) qui comprend les emplois en journalisme, programmation, cinéma, mode, jeux vidéo, design, architecture, etc. (Howkins, 2001), peut-il quitter cette classe au profit d’un emploi de mécanicienne relevant de la classe ouvrière, bref un emploi répétitif, manuel, débutant au salaire minimum et dépendant d’une forte division du travail (Braverman, 1976) ?
La réponse réside, et ce sera mon hypothèse, dans les contradictions de plus en plus fortes du procès de travail journalistique et dans la présente dé-composition de classe des travailleurs et des travailleuses créatifs, dont le rêve du métier libre et autonome se transforme lentement mais sûrement en cauchemar ponctué de précarisation, d’accélération constante, d’endettement et par conséquent d’épuisement professionnel (Cohen, 2019 ; Sandoval, 2016 ; Huws, 2010 ; Bryan et al., 2009).
Contrairement à la posture libérale qui prétend que l’évolution du travail dépend de l’adaptation aux différentes innovations technologiques (dans cette vision des choses, cette journaliste serait un dinosaure largué par les innovations), la sociologie critique du travail nous enseigne que le processus de travail est lié aux formes institutionnelles du capitalisme et à leur régime d’accumulation en place (Braverman, 1976). La forme actuelle du capitalisme financier reposant sur l’endettement de masse (Pineault, 2013 ; Hardt & Negri, 2013) impose une flexibilisation extrême du travail ainsi qu’une colonisation marchande des rapports sociaux (non-séparation entre travail et loisir) qui mine la supposée autonomie du travail créatif (Mumby, 2020 ; Deuze & Prenger, 2019 ; Huws, 2014). Mais chaque type de procès de travail, au-delà des injonctions déjà connues (intensification, marchandisation, accélération), produit aussi son type de subjectivité sur les travailleurs et les travailleuses le composant. Comme le dit Lordon :
les structures objectives, comme l’avait déjà noté Bourdieu, mais Marx également, se prolongent nécessairement en structures subjectives, et que, choses sociales externes, elles existent aussi nécessairement sous la forme d’une inscription dans les psychés individuelles. (Lordon, 2010, p. 73).
Dans ce texte, j’argumenterai que le procès de travail journalistique actuel produit quatre formes de subjectivités dominantes : le Passionné, le Surchargé, le Méritocratisé et le Déprimé, chacune de ces formes communiquant ensemble, dans un cycle dialectique, l’omniprésence de la dernière forme causant la sortie du métier vers une classe porteuse d’un autre type de subjectivités (les mécaniciennes, par exemple).
Je reviendrai tout d’abord sur la littérature scientifique concernant les conditions de travail journalistique, qui est surtout dominée par une sociologie s’intéressant aux identités professionnelles. Je poursuivrai avec la présentation de certains concepts théoriques inspirés du marxisme autonomiste, particulièrement le concept de composition de classe. Je détaillerai ensuite les quatre types de subjectivités et leur lien dialectique avec la dé-composition de classe journalistique.
Revue de littérature sur le travail journalistique
La question du travail a longtemps été un angle mort des études médiatiques (Cohen, 2019 ; Im, 1997), sans aucun doute parce que la discipline s’est créée dans un paradigme libéral qui laisse de côté les questions concernant les contradictions du procès de travail aux dépens de réflexion sur les liens entre les médias et la démocratie (Lamoureux, 2021 ; Zelizer, 2013). Si le libéralisme peut être pertinent pour penser certains enjeux reliés au travail comme l’éthique professionnelle des journalistes, cette posture ne peut expliquer comment une presse évoluant sous un régime politique libre peut forger des conditions de travail éprouvantes pour certains travailleurs et travailleuses (Zelizer, 2013). Cela s’explique par le fait que le libéralisme en tant qu’idéologie ne pense pas le travail ou du moins ne l’historicise pas : le travail dans cette conception est une catégorie transhistorique qui dépend de l’innovation technologique et non pas de différents modes de production et des luttes de classe qui sont au cœur des perspectives critiques (Gorz, 1988 ; Örnebring, 2010).
Quand elles s’intéressent au travail, les études médiatiques, souvent d’inspiration ethnographique (et pas nécessairement libérales, mais davantage pragmatiques ou fonctionnalistes [Maigret, 2015]), analysent, comme le dit Ornebring, le work 1et non le labour des journalistes. Bien que difficilement traduisible en français, il est possible de définir cette opposition entre un corpus d’études s’intéressant à la profession journalistique, avec des explorations concernant les pratiques ou les routines de travail, le contrôle social (management) ou encore les identités professionnelles (Agarwal & Barthel, 2015 ; Ruellan, 2011 ; Witschge & Nygren 2009 ; Demers & Le Cam, 2006) et non à l’abstraction du travail et à la relation entre le capital et le travail (Strauss, 2019; Cohen, 2015; Fuchs, 2014; Smyrnaios, 2013; Mosco, 2009, p. 138).
The landmark studies of journalistic work practices and work routines (e.g. Fishman, 1980; Gans, 1979; Tuchman, 1978) are primarily ethnographic and do not contain much information about, for example, salary levels, job security, degree of management control over labour processes, and conflicts in the workplace (Örnebring, 2010, p. 59)
Pour Örnebring, ce manque est avant tout contextuel : dans une situation économique fordiste de plein-emploi et de salles de rédaction avec de bonnes conditions de travail, il n’était pas très attrayant de formuler des analyses qui tentaient de problématiser les conditions de travail journalistiques (Örnebring, 2010, p. 59). Je rajouterais également que la sociologie des professions libérales (Maigret, 2015, p. 164) n’a jamais été tellement intéressée par le conflit social ou les thématiques relevant des classes sociales, ce type de recherche suggérant plutôt d’analyser les identités professionnelles et leurs mutations, par exemple la différence constitutive entre le journalisme et la littérature ou encore avec les sciences sociales (Le Cam & Ruellan, 2017 ; Ruellan, 1993). Si ce type de réflexion n’est pas dénué d’intérêt dans le sens qu’il permet souvent de formuler des recommandations pertinentes aux différents ordres professionnels au sujet des mutations des professions, il reste que son silence concernant le conflit social tend à pacifier les relations sociales au lieu de les problématiser — le conflit social étant pour les fonctionnalistes un dysfonctionnement du système et non pas sa force interne comme pour les postures critiques2 (Fuchs, 2019 ; Voirol, 2015).
Or dès le début des années 2000, des mutations dans le capitalisme postfordiste qui précarisent et flexibilisent les conditions de travail journalistiques ont renouvelé l’intérêt pour une vision plus critique du procès de travail journalistique (Boczkowski, 2004 ; Deuze, 2007 ; Dooley, 2007). La concentration des entreprises médiatiques, mouvement de fusions et d’acquisitions parfois poussé à l’extrême, tend à standardiser l’information, considérée comme une marchandise reproductible à l’infini sur les multiples plateformes des multinationales de l’industrie (Birkinbine & Gómez, 2020 ; George, 2015). C’est sans parler de l’omniprésence des infomédiaires (les réseaux sociaux) qui accaparent les revenus publicitaires et les plateformes de publication (Rebillard & Smyrnaios, 2010). Dépassé par la baisse de son salaire, par l’accumulation des tâches, par la concurrence féroce, par le déclassement de certaines de ses compétences par les algorithmes, par l’accélération de son travail et par la pression venant de l’armée de réserve située derrière lui, le journaliste est descendu de son piédestal et présenté comme un prolétaire comme un autre (Deuze & Witschge 2018; Accardo et al, 2007).
Si plusieurs chercheurs et chercheuses dénoncent la pression du commerce et du système économique sur le monde vécu des journalistes ou encore celle du champ économique sur le champ journalistique (Champagne, 2000, McChesney, 2008), d’autres actualisent plutôt la théorie du procès de travail marxisante pour démontrer que le travail journalistique est rongé par des contradictions internes (Cohen, 2012 ; Mosco, 2009). Le discours de l’innovation technologique entretenu par les représentants de la profession a fini par dégrader l’autonomie journalistique, les gestionnaires se servant de la montée des technologies de l’information ou de l’intelligence artificielle pour automatiser ou déqualifier des fonctions présumées à l’abri de la division du travail comme le travail d’écriture ou la couverture d’événements (Örnebring, 2010).
Cohen décrit ainsi les quatre caractéristiques propres à la salle de rédaction numérique marchandisée : la sous-traitance (la délocalisation de certains services comme l’écriture de blogue), l’exploitation du travail non payé (l’entretien d’un profil dans les réseaux sociaux ou la constitution d’un portfolio multimédia à l’extérieur de la relation salariale), les outils de mesure d’attention du public (comme Google Analytics, utilisé par les gestionnaires) et l’automatisation (Cohen, 2015). Ces quatre caractéristiques produisent, selon elle, trois effets fondamentaux sur les journalistes : une tendance à la constante mesurabilité des tâches grâce aux TIC ce qui provoque une intensification et une marchandisation accrue du travail (Cohen, 2019).
Ces lectures critiques sont également présentes chez les études s’attardant au journalisme québécois. La concentration de la presse et la convergence sont des phénomènes qui se répercutent de manière négative dans plusieurs salles de rédaction (Thibault et al., 2020 ; Bizimana & Kane, 2019 ; George, 2015 ; Brin & St-Pierre, 2013 ; Bernier, 2011), bien que le retrait de grandes entreprises comme Gesca a permis l’émergence de plusieurs projets coopératifs ou à but non lucratif dans les dernières années. À première vue, le journalisme québécois possède toujours un service public fort qui protège les journalistes des pressions marchandes. Toutefois, il faut rappeler que le néolibéralisme ne signifie pas la disparition du service public, mais bien une transformation de celui-ci où ce dernier adopte graduellement la logique des entreprises privées comme celle de la concurrence à outrance (Phelan, 2014). Cela explique pourquoi les pressions à la convergence, à la concurrence et à la rationalisation sont aussi présentes chez Radio-Canada, quoique se manifestant sous d’autres mots et d’autres formes (Hudon, 2013 ; Francoeur, 2012).
Synthèse et questions de recherche
Si les études d’inspiration critique sont donc intéressantes pour analyser comment les journalistes sont parfois poussés à bout dans leur travail qui ne s’arrête jamais et qui en demande toujours plus (MacDonald et al., 2016), elles en arrivent à des conclusions qui s’en tiennent à un marxisme somme toute assez classique. Marx parlait déjà dans le volume un du Capital du fameux passage de la soumission formelle à la soumission réelle de la pratique sociale au capital (Marx, 1977 [1867], p. 232), c’est-à-dire de la plus-value tirée de l’allongement de la journée de travail à l’intensification de la journée de travail.
Or une question plus originale et moins collée à un marxisme orthodoxe est celle de l’effet des contradictions du procès de travail sur la subjectivité des travailleurs et des travailleuses (Mercure & Bourdages-Sylvain, 2017). Le marxisme a tendance à décrire les travailleurs et les travailleuses comme des sujets automates, atomisés, narcissiques ou même schizophrènes (Vioulac, 2018 ; Jappe, 2017), mais la réalité est plus subtile, surtout pour les travailleurs et les travailleuses créatifs qui entretiennent souvent une relation amour-haine avec leur métier (McRobbie, 2018 ; Mathisen, 2017 ; Sandoval, 2016). Nous savons également que les nouvelles formes managériales du capitalisme postfordiste ont tendance à mobiliser la subjectivité des travailleurs et des travailleuses pour l’intégrer dans le processus de production (Mercure & Bourdages-Sylvain, 2017), mais comment se déploie précisément cette mobilisation dans le cas du journalisme ? Ma question de recherche pour cet article peut donc se formuler ainsi : quel est l’impact de la forme institutionnelle actuelle du capitalisme sur la composition de classe des journalistes québécois, et comment cette (dé) composition peut-être se découper en subjectivités ? C’est ici que la contribution des marxistes autonomistes italiens peut m’aider dans ma quête.
Marxiste Autonomiste, Composition de Classe et Subjectivé
Les marxistes autonomistes (qu’on qualifie parfois d’opéraïstes) commencent leurs activités dans une Italie post-1945 agitée par les luttes sociales. Ceux-ci constatent assez rapidement que les syndicats et les partis de gauche n’ont aucune intention de faire la révolution ; bien au contraire, ces derniers sont avant tout préoccupés par des revendications keynésiennes alors en vogue, surtout la hausse du niveau de vie des ouvriers et des ouvrières rendue possible grâce aux gains de productivité dans les usines (Wright, 2007).
Or les ouvriers et les ouvrières rencontrés par les autonomistes ne semblent pas du tout intéressés par un projet de vie à l’américaine axée sur la consommation de masse. Ceux-ci immigrent des campagnes pauvres du sud du pays pour changer de vie, mais se retrouvent dans de gigantesques installations parcellisant leurs tâches à l’extrême, par exemple l’usine de Fiat à Turin employant à un certain moment plus de 50 000 travailleurs et travailleuses — une situation que Mario Tronti qualifiera d’usine sociale (Mumby, 2020 ; Tronti, 1977).
Mais le premier réflexe des autonomistes n’est pas de rassembler les ouvriers et les ouvrières et de leur faire lire de la littérature marxiste comme les comités trotskystes à la mode. Non : ceux-ci décident de les écouter et d’organiser des assemblées autonomes. Danilo Dolci utilise par exemple les questionnaires et les récits de vie pour comprendre l’expérience vécue de ces travailleurs et travailleuses, une démarche qu’il qualifie de co-recherche et qu’on définirait aujourd’hui comme étant de la recherche-intervention ou de la recherche-action (Wright, 2007, p. 30).
Et c’est en comprenant les caractéristiques spécifiques de la classe auxquelles ils ont affaire (et dont ils font bien souvent partie) que les autonomistes vont formuler des recommandations qui leur conviennent (Alquati, 2013), par exemple une alliance avec les étudiants contre-culturels, la revendication d’un salaire social pour contrer la colonisation des rapports sociaux par l’usine sociale ou encore l’invention d’une pléthore d’actions directes originales comme les actions d’autoréductions (refuser la hausse des tarifs du transport en commun, par exemple [Wright, 2007]).
Pour Wright (2007), le concept phare forgé par le marxisme autonomiste n’est donc pas celui de travail immatériel ou de multitude comme chez Negri (2011), mais bien celui de composition de classe, défini comme la « transformation des comportements quand des formes particulières de force de travail sont insérées dans des processus de production spécifiques » (Wright, 2007, p. 54). Contrairement au marxisme classique, qui pense strictement l’opposition entre la classe ouvrière ne possédant que sa force de travail et la classe capitaliste possédant les moyens de production, les autonomistes proposent de mettre l’accent sur la subjectivité des travailleurs et des travailleuses face à chaque forme institutionnelle du capitalisme et à chaque type de technique qui lui est associée, et c’est précisément cette attention aux subjectivités qui permettra de comprendre l’aliénation au travail et de la surmonter (Armano & Murgia, 2013).
Car l’autre thèse des autonomistes est celle que les subjectivités, une fois comprises, peuvent être changées. C’était là par exemple l’objectif des féministes autonomistes, comme Mariarosa Dalla Costa ou Sylvia Federici, quand celles-ci appelaient au salaire des femmes ménagères : évidemment celles-ci n’ont jamais pensé qu’un salaire au travail ménager renverserait le système économique, mais plutôt que la simple formulation de cette revendication pourrait permettre aux femmes ménagères de constater leur situation et de tenter de se défaire de leur exploitation (Caffentzis et al., 2016).
C’est également ce qu’a tenté la deuxième génération des autonomistes avec la mobilisation du concept de travail immatériel (Lazzarato, 1996). Par ce concept les nouveaux autonomistes mettaient l’accent sur le fait que tous les travailleurs et les travailleuses étaient désormais appelés à utiliser leurs facultés cognitives, affectives et communicationnelles, ce qui leur permettrait possiblement de s’émanciper de leur relation d’exploitation. Les journalistes, puisqu’ils sont dotés d’une autonomie relative au point de conception du procès de travail (Cohen, 2012), représentent un cas typique de travail immatériel analysé par les autonomistes de la deuxième génération (Gill & Pratt, 2008 ; Lazzarato, 1996).
Dans la partie suivante, je propose donc de m’inspirer de ce type d’analyse autonomiste (en particulier, Hardt & Negri 2013) pour proposer quatre subjectivités – le Passionné, le Surchargé, le Méritocratisé et le Déprimé – représentant le travail journalistique en ce début du 21e siècle. Pour forger ces figures, j’ai puisé dans la littérature critique produite sur les conditions de travail journalistiques tout en me servant de données que j’ai récoltées grâce à neuf entrevues que j’ai réalisées avec des journalistes québécois ayant développé une sensibilité sur les questions de santé mentale (c’est-à-dire ayant publiquement pris la parole sur des questions de santé mentale, soit dans des congrès, des conférences ou des médias). J’ai réalisé ces entrevues dans le cadre d’une recherche portant sur la hausse du nombre de burnout dans le milieu journalistique québécois — les journalistes interviewés n’avaient pas nécessairement fait des burnout, ceux-ci devaient simplement avoir développé une sensibilité sur la question, une telle démarche m’évitant de chercher des gens encore traumatisés par leur expérience. J’ai transcrit ces entrevues en verbatim et j’ai anonymisé le nom des journalistes (J1 à J9).
Six des journalistes interviewés étaient des salariés au moment des entrevues, tandis que trois étaient des pigistes. Cependant, ces catégories étaient fluides dans le sens que la majorité des journalistes salariés avaient passé par la pige auparavant et les pigistes, quant à eux, avaient déjà été employés par de grandes entreprises. J’ai donc tenté dans mon analyse exploratoire de repérer un cycle de subjectivités qui peut s’appliquer à tout type de journaliste, bien que certaines subjectivités (comme celle du Surchargé) peuvent être vécues différemment selon les statuts d’emploi. De manière générale, le capitalisme postfordiste tend à flouter les différences entre les statuts d’emploi aux dépens de ce que Standing (2014) nomme la formation d’un « précariat », bref une force de travail de plus en plus précaire qui tend à l’instabilité permanente.
L’analyse a porté sur les thèmes qui ont émergé de manière semi-inductive lors de l’analyse des entretiens (Kaufmann, 1996, p. 78). En effet ma démarche critique (Smythe & Van Dinh, 1983), qui vise à produire un changement social en mobilisant la parole des journalistes, me place entre une analyse théorique et une analyse inductive, l’objectif étant d’opérer des va-et-vient entre les données et les hypothèses. La question de l’interprétation n’intervient donc pas à la fin, elle « traverse de bout en bout le processus de recherche et en ponctue chacune des étapes dans un va-et-vient incessant » (Gaulejac et al., 2007, p. 107), la posture du chercheur n’étant pas la neutralité axiologique, mais bien la création d’un cadre qui vise à transformer la réflexion en action émancipatrice.
Puisque certains des journalistes avaient vécu un burnout dans les dernières années de leur carrière, un risque éthique de la recherche était de leur faire revivre leur expérience traumatique. Or, conformément aux exigences de la sociologie clinique (Gaulejac & Laroche, 2020), les entretiens n’ont pas porté sur l’évocation des expériences traumatiques, mais bien plus sur les circonstances de vie actuelle et sur les soins reçus.
Les Quatre Subjectivités du Journaliste Évoluant Sous le Capitalisme Postfordiste
Le passionné
La première chose que vous remarquez lorsque vous parlez à un journaliste est qu’il aime son travail : c’est un passionné. Comme tout travailleur créatif, les journalistes sont émotivement attachés à leur travail qui leur procure liberté et autonomie (Gill, 2010). Ou peut-être n’aiment-ils pas le travail qu’ils effectuent concrètement dans les différentes salles de rédaction, mais plutôt l’image que projette leur travail et surtout l’idéal qu’il représente (Le Cam & Ruellan, 2017).
Le journaliste est un chien de garde de la démocratie et son rôle est de surveiller nos représentants et de trouver la vérité. C’est souvent pour ce genre de représentations, véhiculées par la culture populaire comme les films ou les romans, que les jeunes journalistes souhaitent entrer dans la profession (Ruffin, 2003, p. 198). Les programmes universitaires en journalisme renforcent cette image en initiant les journalistes aux grands classiques comme Albert Londres, Nellie Bly ou la révélation du scandale du Watergate par le Washington Post dans les années 1970. Même s’ils sont donc confinés à des tâches subalternes à leur entrée dans les entreprises médiatiques, les journalistes vont avoir tendance à vouloir se sacrifier au nom de l’information et de la quête de l’intérêt public, un sacrifice passionné qui donne un sens à leur vie (Accardo, 2017, p. 6).
Pour moi y’avait une espèce d’appel à ok ben c’est tellement important pour la société que ça soit là, que moi ça toujours été ça mon moteur, pi je pense quand même la majorité des collègues avec qui j’ai travaillé sont motivés par cette idée-là de l’information, de l’importance de l’information et de la recherche de la vérité (J1).
Moi c’était vraiment d’apprendre et d’amener les autres aussi à apprendre. J’apprends en faisant l’article, les gens qui lisent ils apprennent aussi. Ça, ça n’a pas changé. Je me sens privilégié chaque fois que je parle à des gens intéressants et que je rentre dans leur réalité (J7).
En fonction de la spécialisation du journaliste, cette passion pour la recherche de l’information et l’éducation populaire peut prendre plusieurs formes. Pour le journaliste culturel, c’est la rencontre avec les artistes, ou encore avec les athlètes pour les journalistes couvrant le sport. Pour le journaliste évoluant dans des médias plus alternatifs ou de niche, ce peut être de donner la parole aux sans-voix.
J’adorais l’idée d’aller à la rencontre des artistes de ce monde et voir la manière dont ils voyaient le monde (J2).
C’était ça l’idée aussi d’être journaliste, c’était d’influencer ma société en dénonçant les inégalités ou en faisant connaître des initiatives inspirantes qui pourraient changer un peu les choses (J4).
Le journalisme est donc un métier passionnant parce qu’il met les travailleurs et les travailleuses de l’information en contact avec des sources inspirantes, mais aussi avec des collègues et un public toujours prêt à réagir. C’est à partir de la création de ces relations sociales que beaucoup de journalistes expriment qu’ils aiment leur métier parce que celui-ci leur permet d’apprendre tous les jours, ou encore d’être au cœur des événements ou de sortir de la banalité du quotidien (Le Cam & Ruellan, 2017). Dans toutes ces versions se retrouve ce qu’Hartmut Rosa nomme une résonance avec son travail, une manière de développer des relations responsives et de tenter de les entretenir en développant des axes de résonance avec le monde qui nous entoure et qui vient à notre rencontre (Rosa, 2018).
Et c’est précisément parce que les journalistes aiment leur travail qu’ils vont accepter d’en faire plus, qu’ils vont accepter des choses qu’ils n’accepteraient pas dans des travaux qui les engagent moins émotivement, par exemple le fait de travailler pour de la visibilité ou d’être mal payé pour un gros contrat avec un employeur prestigieux dans le cas des pigistes :
dû à cette passion-là, ben ça fait qu’on accepte des trucs que normalement on n’accepterait pas dans un autre métier. Si c’est une job alimentaire, jamais on n’accepterait ces conditions-là, ou cette façon de faire là ou cette pression continuelle là (J1).
Bref, c’est parce que leur travail les passionne que les journalistes développent la deuxième subjectivité qui est celle du surchargé.
Le surchargé
La deuxième chose que vous remarquez souvent chez un journaliste, c’est qu’il n’a pas le temps de vous en parler : il est surchargé. Non seulement le journaliste doit-il accumuler les projets, c’est-à-dire commencer plusieurs articles en même temps qui n’ont bien souvent pas de lien entre eux, mais il doit en plus déployer plusieurs techniques pour réaliser chacun de ces projets (Deuze, 2007). Pour les pigistes s’ajoute une pression à devoir produire eux-mêmes leur employabilité, c’est-à-dire produire leur comptabilité et acquérir constamment de nouvelles compétences (Gorz, 2017 ; D’Amours, 2014).
C’est le retour de l’homme-orchestre ou de la femme-orchestre : à la fin du 19e siècle, les journaux étaient bien souvent possédés par une seule personne qui y réalisait toutes les tâches, de l’acquisition de capitaux jusqu’à l’imprimerie, et qui parallèlement accumulait le profit et le prestige politique qui était associé à son journal (Nerone & Barnhurst, 2003). Cette figure qui avait disparu au 20e siècle aux dépens des multiples spécialisations et de la division du travail dans les grands médias tend à réapparaître au 21e siècle : le journaliste qui sort en reportage doit en même temps enregistrer des témoignages, prendre des notes, poser des questions pour contourner le cadrage des événements par les relations publiques, observer, prendre des photos, parfois filmer des extraits et même live-twitter le fil de l’événement, le tout, en ne récoltant aucun profit ni prestige (Brédart, 2017 ; Francoeur, 2012). Et comme les tarifs pour les piges ne cessent de diminuer depuis le début des années 2000, pour les journalistes indépendants se rajoute donc bien souvent la précarité, les forçant en plus à accumuler les dettes ou à se trouver d’autres travaux plus payants qui se superposent à leur travail de journalistes déjà surchargés (D’Amours, 2014). C’est particulièrement vrai pour les jeunes qui doivent faire leurs preuves en acceptant n’importe quel type de contrat ou des stages non payés (Cohen & de Peuter, 2015).
Ainsi pour Huws, l’intensification du travail et des compétences (labour intensification vs skill intensification) et l’accélération constante sont constitutifs des métiers créatifs sous le capitalisme postfordiste (Huws, 2010, p. 512-513).
Un journalisme aujourd’hui fait trois, quatre, cinq fois plus de tâches qu’un journaliste du milieu du siècle, c’est hallucinant, si on inclut les médias sociaux, si on inclut le fait qu’un journaliste a souvent plus qu’un sujet par jour. Qu’un journaliste doit, ben c’est ça produire une version écrite, une version vidéo, c’est fou (J1)
Moi je suis toujours sur 5-6-7 projets en même temps aussi et là-dedans y’en a qui sont bénévoles, y’en a d’autres qui sont payants et je ne suis pas super toujours bonne pour prioriser. Je ne suis pas un super bon exemple à suivre (J4)
La surcharge de travail et la précarité qui l’accompagne tendent à allonger la journée de travail et à éliminer toute distinction entre travail et non-travail. Le courriel pour le contrat espéré ou le retour d’un intervenant pressé pour survenir à n’importe quel moment et il faut toujours être aux aguets. La vie au complet du journaliste devient une façon de travailler, ce que Deuze nomme un workstyle (Deuze, 2007). Une journaliste m’explique sa situation sociale qui a précédé son burnout :
L’année dernière c’était une joke à quel point y’avait pas, y’avait aucune distinction entre mon travail et mes loisirs, mais genre aucune distinction j’étais toujours un peu en train de travailler, en plus une équipe de travail avec laquelle je travaillais, notre manière d’échanger des idées ou de brainstormer c’était un groupe Facebook et une conversation inbox, alors ça arrêtait juste jamais (J5).
La surcharge mène logiquement vers deux nouveaux types de subjectivité : vers ceux et celles qui réussissent grâce à leur effort soutenu à passer outre la surcharge et à s’élever dans les échelons (les méritocratisés) et ceux et celles qui au contraire échouent à surmonter la surcharge et qui sont contraints de perdre le rythme et de développer des symptômes de burnout face à leurs collègues ultrarapides et récompensés (les déprimés).
Le méritocratisé
Le méritocratisé est parfaitement adapté au discours néolibéral de la réussite personnelle et de l’entrepreneuriat de soi (Ehrenberg, 2010, p. 16). S’il a réussi, c’est grâce à ses efforts. S’il a obtenu sa promotion ou son prix prestigieux, c’est grâce à lui-même. Et s’il échoue, c’est parce que les institutions traditionnelles le bloquent dans le développement de sa capacité d’agir : ne reste plus qu’à déserter et à créer lui-même son emploi.
Pour Wolfgang Streeck, le discours de la méritocratie émerge avec le déclin du fordisme à la fin des années 1970. Les jeunes générations réclamant plus d’autonomie et de créativité sur leurs lieux de travail sont séduites par l’idée que le marché du travail devrait être considéré comme un « défi sportif » (Streeck, 2014 ; Ehrenberg, 2010 ; Boltanski & Chiapello, 1999). Que le meilleur gagne donc, mais aussi que le meilleur gagne grâce à son entrainement individuel et à son aptitude à gérer la douleur — une attitude que Taylor tentait désespérément d’enseigner aux ouvriers non motivés par la hausse de la productivité à la fin du 19e siècle (Gorz, 1988, p. 115-118 ; Braverman, 1976).
Le milieu journalistique depuis la montée du néolibéralisme dans les années 1980 (Phelan, 2014) est, comme tous les métiers créatifs, particulièrement affecté par ce discours méritocratique qui est en partie responsable du déclin des mobilisations collectives et de la solidarité dans les salles de rédaction (Accardo, 2017 ; Storey et al., 2005 ; Ruffin, 2003). Développé lui aussi dès les bancs d’école, ce discours pousse les journalistes à prendre des risques individuels (partir en voyage dans une zone risquée pour proposer des reportages, s’exiler en région éloignée, fonder une entreprise médiatique qui embrasse la dernière innovation technologique, apprendre à coder dans ses temps libres pour renforcer ses compétences) pour améliorer leurs portfolios ou pour acquérir de l’expérience de manière indépendante (Deuze & Prenger, 2019). Ceux-ci doivent également développer des avatars sur les différentes plateformes de réseaux sociaux pour entretenir des liens avec le public, un travail bien sûr non payé (Siapera, 2019).
À cet égard, une journaliste utilise des métaphores guerrières et sportives pour expliquer comment elle est passée par des moments difficiles au début de sa carrière avant de s’épanouir et de s’acheter une maison. Une autre souligne qu’elle a surmonté son burnout en écoutant davantage son corps et en prenant des pauses plus longues, un discours rationnel, mais individualiste, qui élimine toute responsabilité sociale de la cause de l’épuisement professionnel.
Les nuits étaient courtes ; des fois je pouvais travailler jusqu’à minuit, une heure du matin. Je me relevais le lendemain à 6 h du matin. C’était une grosse pression, mais en même temps financièrement c’est sûr que là, ben j’me suis acheté ma maison. J’avais une vie, je voyageais c’est ça. Mais aussi c’est un cheminement personnel. Faut que tu apprennes à faire des choix, à décider ce qui est important pour toi. […] Moi je me suis battue, moi je ne me sens pas précaire vraiment. Pi je me suis battue pour ça parce que pour moi c’était pas une option d’être précaire et de voir mon salaire diminué (J7).
J’ai été longtemps en congé en burnout, mais à moment donné j’ai réalisé que même si j’ai pas le temps, de toute façon mon corps à moment donné il n’est plus capable de travailler, il n’est plus aussi efficace donc il faut que je lui donne une pause pour revenir plus efficace. J’ai trouvé des trucs pour devenir plus efficace, comme prendre plus de pauses, oui j’avance peut-être un petit peu moins vite, mais ça va être tellement plus efficace quand je vais revenir que je vais rattraper le temps perdu et ça va être plus simple pour mon corps et pour mon esprit (J3)
Le discours du méritocratisé est aussi lié au fétichisme technologique, le fait de croire qu’il est important de s’adapter à toute innovation technologique sans en contester les fondements (Comor & Compton, 2016), notamment au fait qu’une bonne utilisation des réseaux sociaux permettrait de développer sa visibilité et sa carrière. Un journaliste explique que parfois quand ses « stories » sur Instagram sont vraiment efficaces, des éditeurs le contactent pour les transformer en article :
Je ne pense pas que j’aurais la carrière que j’ai présentement sans les réseaux sociaux. Je pense que c’est une super belle façon de te faire connaître, de faire connaître ta plume, de faire connaître tes opinions. C’est vraiment niaiseux, mais j’ai eu beaucoup de contrats à cause d’Instagram. (J6).
Le système méritocratique est également entretenu par l’existence de multiples prix ou concours renforçant la concurrence entre les journalistes, le plus emblématique de ses concours, dans le cas québécois, étant par exemple le prix Judith-Jasmin. Mais tous les types de journalisme ont leurs concours (le prix du journalisme de loisir, même les étudiants avec le prix Lisette Gervais) ce qui contribue à une mise en concurrence généralisée (Accardo, 2017, p. 56). Il semble impossible en journalisme d’écrire quoi que ce soit sans avoir à être sujet d’un concours, d’une compétition ou d’un prix quelconque.3 Certains rituels, notamment les congrès professionnels, les conférences ou les ateliers payants avec des vedettes du métier renforcent aussi la mise en scène de personnages ayant réussi grâce à leurs efforts (McRobbie, 2002). Comme le démontrent Le Cam et Ruellan (2017), les journalistes les plus connus, par exemple les présentateurs télévisuels, vont souvent parler de comment ils ont réussi grâce à tels choix de carrière difficiles ou comment ils ont surmonté telles épreuves de leurs vies professionnelles — certains présentateurs allant même jusqu’à écrire plusieurs autobiographies, chacune témoignant d’un défi surmonté. Une journaliste raconte que lorsqu’elle a effectué son premier stage professionnel :
On était 14 cet été-là à avoir été embauchés en sachant très bien qu’à la fin de l’été il en resterait deux. Ou un ou deux ou trois si on était vraiment chanceux et si on avait une bonne cohorte. Alors y’avait cette pression-là déjà à l’époque où j’me souviens très bien on allait régulièrement vomir dans les toilettes parce que c’était trop stressant. Pis je me souviens, si je reviens juste un peu en arrière dans les cours de journalisme, les profs nous disaient ah c’est un milieu super difficile, c’est un milieu de loups, c’est extrêmement difficile de percer alors cette impression-là que mon dieu c’est extrêmement difficile de faire sa place elle était omniprésente (J3)
Face à l’accumulation des tâches et à cette pression de devoir faire sa place dans un milieu ultra-compétitif où tout le monde est en concurrence les uns contre les autres, un journaliste qui n’a pas le privilège d’être ultra-performant et flexible (parce qu’il a une famille, de l’endettement) peut échouer à s’élever parmi les belles âmes méritocratiques et se brûler et vivre des symptômes d’épuisement professionnel (Charon & Ramat-Pigeolat, 2021 ; Ekdale et al., 2015). C’est la figure du déprimé.
Le déprimé
Le déprimé est la dernière forme de subjectivité et conduit à deux portes de sortie : soit une pause et un retour dialectique à la formule du passionné et du surchargé, soit l’expulsion du métier lorsque ce dernier stade prend toute la place (ce que la journaliste décrite lors de l’introduction, Marie-Christine Blais, nommait sa « vallée de cendres »).
Dans son étude quantitative sur la santé mentale des journalistes, Reinardy (2011) écrit que seulement 25 % des journalistes interrogés avaient la ferme intention de rester dans le métier, les autres étant atteints de nombreux doutes face à leur avenir dans la profession (voir aussi Reix, 2020 ; Bertaux, 2019 & Brédart, 2017). La situation semblait encore plus critique pour les jeunes journalistes travaillant depuis moins de cinq ans dans le métier (Peters, 2010). C’est en effet souvent dans ces premières années qu’un journaliste développera des symptômes de burnout. Macdonald et al. (2016) soulignent plusieurs causes poussant les journalistes vers des problèmes de santé mentale comme l’accumulation des tâches, les bas salaires, les longues heures de travail, la précarité de l’emploi, la non-séparation entre travail et non-travail, le mépris des gestionnaires qui s’appuient sur une rationalité algorithmique pour décider des sujets et des horaires, etc. (Ekdale et al., 2015).
La figure du déprimé a également plus de chance de rejoindre certaines catégories de journalistes comme les femmes ou les minorités culturelles. Un grand rapport publié sur les conditions de travail des journalistes femmes en Belgique en 2018 met en lumière les nombreux obstacles qui se dressent devant les femmes dans l’obtention d’un emploi digne, notamment le plafond de verre, le harcèlement, le machisme des patrons ou des gestionnaires et l’impossible conciliation travail-famille (Le Cam, 2018). Ces phénomènes, notamment la difficulté de concilier carrière et famille ou encore de monter les échelons sans adopter un style de leadership « masculin », sont présents aussi au Canada4 (Smith, 2015).
Une journaliste interviewée a tenu à me raconter ses symptômes de burnout vécus dans ses premières années de métier. Celle-ci décrit un stade de sa vie où elle était complètement envahie par l’anxiété et l’insécurité reliée à son travail, ainsi qu’une incapacité à réaliser les tâches élémentaires. Une autre évoque ses longues nuits d’angoisse où elle se réveillait en sursaut pour vérifier qu’une tâche avait bien été effectuée.
C’était vraiment un état mental, physique et psychologique que j’avais jamais vécu de toute ma vie. J’étais, j’avais pu aucune concentration, mais comme aucune concentration. Moi dans la vie, mon sommeil et mon appétit sont pas facilement affectés et là je me suis mise à ne plus être capable de dormir, perte d’appétit, alors là j’ai fait comme ouf ok ça c’est comme un red flag un peu intense qui transcende justement les moments où j’étais en train de travailler, ça devenait envahissant dans plein de sphères (J5).
Je me souviens que souvent je me réveillais en pleine nuit avec des angoisses ah shit j’ai écrit telle affaire dans mon texte et je pense que ce n’était pas ça et de me lever, d’aller ouvrir mon laptop, d’aller ouvrir mon cahier de notes à deux heures du matin pour aller vérifier est-ce que j’ai vraiment écrit ça ou est-ce que je me suis trompé est-ce que si est-ce que ça (J3).
En terminant, quelle est la relation entre les quatre figures ? Mon hypothèse est que le journalisme, tel qu’il est conçu en ce moment, produit en tout temps ces quatre figures coincées dans un mouvement dialectique, c’est-à-dire de relation, de mouvement, de négation et de sublimation. Dans une journée de travail, un journaliste, et mes entrevues le confirment, peut se sentir à la fois passionné, surchargé, méritocratisé et déprimé, le tout de manière cyclique. Et c’est précisément la composition de ce cycle dialectique qui est toxique pour ceux et celles qui le vivent : il coince les journalistes dans des « up and down » qui finissent par ronger leur santé, définie comme « la possibilité de dépasser la norme qui définit le normal momentané, la possibilité de tolérer des infractions à la norme habituelle et d’instituer des normes nouvelles dans des situations nouvelle » (Clot, 2017, p. 96). D’où la nécessité pour ceux et celles qui quittent ce métier de chercher un travail qui offre une composition plus supportable.
Le procès de travail actuel produit en ce sens une décomposition de classe : il fait éclater la profession qui pouvait encore créer de grands conflits de travail à la fin du 20e siècle (Demers & Le Cam, 2006) en de multiples entrepreneurs de soi qui tentent tous de conquérir un marché du travail ultra compétitif (Accardo, 2017 ; Ehrenberg, 2010, p. 13), les perdants devant quitter la profession ou jouer sur la limite entre le journalisme et d’autres métiers de la communication comme les relations publiques ou l’écriture corporative (Deuze & Witschge 2018; O’Donnell et al., 2016).
Long-term planning and ‘moving up the ladder’ have been replaced by job-hopping and a portfolio work life as news professionals increasingly have contracts, not careers in journalism. As a consequence, stress and burnout are on the rise among newsworkers, with many journalists considering to leave the profession altogether. Precarity and a ‘culture of job insecurity’ have come to define the lived experience for many inside the contemporary newsroom (Deuze & Witschge, 2018, p. 170-171)
Le défi pour le chercheur, mais aussi pour les journalistes qui veulent changer leurs conditions, est donc de trouver comment briser ce cycle de subjectivités et comment en faire émerger un nouveau, ou plutôt comment organiser des luttes qui par leur nouvelle forme de socialité créeront potentiellement de nouvelles subjectivités. Pour Cohen et de Peuter (2020) l’avenir du métier est lié aux différentes luttes syndicales ou à la transformation des relations sociales de propriété existantes. Le projet de recherche Cultural Workers Organize, pour laquelle ces auteurs collaborent avec trois autres chercheurs et chercheuses, a en ce sens créé une ligne du temps de toutes les luttes syndicales menées par les salles de rédaction anglo-saxonne depuis 2015 et les gains revendiqués (Cohen, 2016). Il est donc possible de s’organiser et ce site web offre un guide utile et stratégique.
Conclusion
Que dire, maintenant, de notre journaliste-mécanicienne en devenir (qui a, au final, continué à collaborer à temps partiel pour Radio-Canada) ? Visiblement, Marie-Christine Blais était coincée dans un cycle où la subjectivité du Déprimé dominait son quotidien. Pourquoi alors fuir vers une autre classe sociale ? Peut-être justement pour vivre un autre cycle plus supportable. Bryan et al. (2009) rappellent que les métiers flexibles colonisés par la financiarisation du capitalisme, comme le journalisme, imposent de plus en plus une forme de rémunération qui varie en temps réel selon la performance du travailleur ou de la travailleuse (Bryan et al., 2009, p. 467). Ce type de rémunération est insupportable et fait éprouver une certaine nostalgie pour la rémunération fordiste stable qui arrivait toutes les deux semaines.
Mais peut-être est-ce aussi la simple action de fuir qui fait du bien. Une des journalistes que j’ai interviewée m’a indiqué que lorsqu’elle a quitté le métier après son burnout, elle a « ressenti un vide et en même temps un calme. J’avais l’impression de me retrouver après un long moment où j’étais comme en mode pilote automatique » (J2). La fuite soigne la déprime, elle libère l’imagination (Laborit, 1976). Beaucoup de journalistes déprimés fuiront et c’est tant mieux pour eux. Mais la question reste celle du après : quoi faire pour éviter de revivre le même cycle, si ce n’est mieux s’y adapter et supporter la douleur ? Pour les marxistes autonomistes, les changements de subjectivité arrivent dans des moments de mobilisation collective. C’est à ce moment que la puissance d’agir peut se décupler (Negri, 2011).
Cela ne veut pas dire que des contradictions n’attendent pas les journalistes qui voudront lutter. De nombreuses divisions existent au sein de la profession, notamment entre les salariés et les pigistes, les temporaires et les permanents ou encore entre les stagiaires et les vedettes. De nombreux obstacles devront être surmontés pour véritablement opérer un changement en profondeur. Cela commence entre autres par la mise en visibilité des déprimés et des « brûlés » qui sont individualisés ou relégués vers les divans des psychologues par le discours professionnel. Cette recherche d’inspiration critique, bien qu’exploratoire et se heurtant à quelques limites (particulièrement le nombre d’entrevues qui reste limité), visent à faire un pas dans cette direction.
1 Le labor pour Örnebring se définit comme suit : « an exertion which generates surplus value and presupposes a contractual employer–employee relationship » (Örnebring, 2010, p. 59).
2Cette analyse rapide tend à occulter que certains travaux en sociologie des professions libérales ont pu apporter des réflexions critiques très inspirantes, notamment sur les styles de gestion et sur les moyens de contrôler les journalistes dans une salle de rédaction (Bunce, 2017).
3Les journalistes ne sont pas obligés de participer aux concours d’écriture, mais ils sont fortement incités à le faire par leurs employeurs, et on pourrait dire que ne pas participer aux concours, c’est courir le risque d’une marginalisation au sein de la profession. Un risque que ne peuvent pas se payer les jeunes précaires.
4Si les analyses féministes sont intéressantes à analyser dans le cas du travail journalistique, il reste qu’une loupe intersectionnelle est difficile à appliquer car le travail créatif émerge à la base au sein d’une division internationale du travail qui confine bon nombre de femmes racisées dans la sphère du travail non-créatif et ménager (Huws, 2014). D’où la nécessité d’une critique des critères à l’embauche au sein des grandes entreprises de presse.
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